Après des opérations escargot, des grèves et des casses, la fin de l’acte premier de la tragédie à-la-française du combat qui oppose VTC et taxis devait arriver. S’il ne fait nul doute que le gouvernement cherche à repousser les questions de fonds sur l’évolution du marché, la paix sociale devait être achetée à quelques mois de la présidentielle.
jeu de dupes
Depuis l’enterrement de la loi Nouvelle Opportunités Economiques d’Emmanuel Macron, nous savons à peu près que le gouvernement ne bougera pas — ou peu — sur les questions liées à l’économie numérique. Pourtant, les rapports continuent de s’entasser sur les coins de table. Sur l’économie collaborative, nous avons eu le rapport Terrasse. C’est au tour maintenant de la crispation entre taxis et VTC d’être analysée par le législateur. La première étape de la lente régulation du marché du transport avait commencé avec Thomas Thévenoud, dont la carrière éclair a occulté les premiers bâtons mis dans les roues des VTC. Puis il y a eu l’épisode de la fin d’Uber Pop, des boulevards périphériques bloqués, des cris d’orfraie des taxis… un monde qui semblait s’effondrer sous nos yeux. Mais qui a gagné ce jeu de dupe ?
Si les clients et l’opinion public sont acquis à la cause de la libéralisation du marché du transport individuel des voyageurs, tant les avantages qu’offrent les services des Uber et autres SnapCar on changé les mœurs et ont créé une demande qui n’existait pas, on ne peut en dire autant de la classe politique. Curieusement, le gouvernement et l’opposition semblent avoir l’intérêt des taxis chevillé au corps — et plus que des individus, des corporations comme la puissante G7 à l’obscure stratégie.
Bien entendu, il serait inopportun de penser qu’il y a d’un côté l’archaïsme taxi et de l’autre, la modernité Uber : le fait est que la demande pour un renouvellement de la profession est là
Bien entendu, il serait inopportun de penser qu’il y a d’un côté l’archaïsme taxi et de l’autre, la modernité Uber : le fait est que la demande pour un renouvellement de la profession est là. Uber et ses acolytes explosent, créent de l’emplois et changent les modes de vie urbain. Et d’après le médiateur de la République, les taxis ne verraient même pas leurs revenus chuter férocement comme ils l’annoncent : le rapport avance par exemple une courbe des revenus des taxis, en croissance constante depuis dix ans. On trouve seulement sur ces trois dernières années une stagnation du revenu, loin d’être l’effondrement annoncé.
Mais qu’est ce qu’a fait le gouvernement depuis le début de la crise ? Rappelons tout de même qu’Uber est apparu en décembre 2011 dans le paysage français ce qui porte à cinq le nombre d’années qu’a duré cette bataille entre le gouvernement, les taxis, les VTC et les services de mise en relation entre usagers et conducteurs. Et pour Yves Weisselberger, fondateur de SnapCar et Président de la Fédération Française du Transport de Personnes sur Réservation, le gouvernement reconnaît les problèmes mais n’apporte pas de solution.
un rapport lucide sans solution
Il faut le dire, le rapport du député Grandguillaume est lucide. Il semble même assez ouvert à l’émergence du marché des VTC. Rendant compte de l’efficacité sociale, économique et de l’offre du nouveau marché, le rapport donne presque raison à une nouvelle régulation du secteur. Et pourtant, après arbitrage à Matignon, il apparaît que c’est encore les VTC qui perdent du terrain.
Une situation paradoxale que Weisselberger a du mal à comprendre : « Oui, on a un bon rapport, qui confirme ce que l’on dit depuis déjà plusieurs mois. Mais c’est après que ça se gâte. Et c’est un paradoxe que nous connaissons depuis longtemps : à chaque fois qu’un homme politique touche aux taxis, il se retrouve rapidement sur une espèce de pente irrésistible qui le conduira à donner des gages aux taxis. Donc entre la vision de long terme du rapport qui nous semble loin d’être déraisonnable et la nécessité de très court terme qui est de rétablir le calme, il y a un grand écart. »
Tout reviendrait, comme souvent, au bruit, au chaos et au désordre. Ce sont les taxis, qui, d’après Weisselberger, mènent les actions les plus dures et c’est donc à eux qu’on va donner des gages économiques avant de pouvoir vraiment avancer. Une avancée qui, semble-t-il, ne se « réalise jamais, ou jamais suffisamment. Aujourd’hui on régresse. Imaginez que le député, dans ses recommandations, demandait le report d’un tarif fixe entre les aéroports et Paris pour les taxis. Le gouvernement n’a pas arbitré en sa faveur, mais voilà un exemple dans lequel il contredit son rapport. »
Au milieu de tout cela, même face à l’évidence, le gouvernement serait dans une position de faiblesse : « Il y a une peur de ce que peuvent faire les taxis si on ne va pas dans leur sens, poursuit Yves Weisselberger. Et dans les solutions avancées, on va jusqu’à leur proposer une indemnisation pour leur licence. Sur ce sujet on ne peut pas émettre de jugement, c’est entre les taxis et l’État : nous ne sommes ni pour, ni contre, sauf s’il s’avère que ce sont les VTC qui sont taxés. » Cette mesure aurait eu pour objectif d’apaiser les taxis afin d’éviter une nouvelle grève le 7 mars. Pour Weisselberger, c’est une décision prise sous la contrainte.
De ces années de luttes, rien n’a donc été fait en faveur des VTC ? « Côté VTC ce qu’on trouve c’est un renforcement des contrôles, tronc commun de l’examen des VTC avec les taxis, plaque inamovible, transfert des données de chaque course vers l’État… Ce ne sont donc vraiment pas des concessions à notre égard mais bien des contraintes nouvelles. »
On ne donne pas une seule minute au marché pour se mettre en règle
Par exemple, dans le cas des chauffeurs dits LOTI, en grogne et qui ne vont plus pouvoir exercer, aucun moyen ne leur est donné, d’après le président Fédération, pour devenir des VTC. Pire, « côté VTC on a supprimé l’examen de mars pour devenir chauffeur. On ne donne pas une seule minute au marché pour se mettre en règle. Pour résumer aujourd’hui être chauffeur et fonctionner avec une application, c’est être soit LOTI, mais cela implique des contrôles incessants et à la limite de l’illégalité, soit être VTC mais pour le moment aucune porte d’accès n’est offerte aux formationx. Les chauffeurs n’ont aucune assurance sur leur propre emploi. Voilà où on en est. »
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