Dans la course politicienne à la bêtise, il ne faut pas se laisser dépasser. Alors que le député socialiste Yann Galut faisait savoir ce matin par Le Parisien qu’il proposait une amende d’1 million d’euros contre les entreprises comme Apple ou Google qui ne fourniraient pas le moyen d’accéder au contenu chiffré d’un téléphone verrouillé, son homologue Éric Ciotti (LR) a surenchéri dans l’après-midi. C’est par Le Figaro qu’il fait savoir que lui-même a déposé ce lundi un amendement sensiblement similaire, qui porterait la peine à 2 millions d’euros.
Le texte de l’amendement au projet de loi sur le crime organisé dispose que « dans le cadre d’une enquête relative à une infraction terroriste, les opérateurs de télécommunications, les fournisseurs d’accès à internet, tout fabricant d’outils de télécommunications, soient tenus de communiquer l’ensemble des informations pertinentes pour la résolution de celle-ci ». Le texte ne précise pas « en leur possession », ce qui sous-entend qu’il est possible de leur demander de créer des outils spéciaux, comme le FBI l’exige aux USA pour accéder au smartphone de l’auteur de la tuerie de San Bernardino.
Le député des Républicains ajoute que « la violation de cette obligation sera punie d’une amende de 2 millions (d’euros) maximum et de l’interdiction de la commercialisation de ces outils pendant une durée d’un an ». Cette dernière peine vise à contourner la difficulté liée à la territorialité du droit, puisque même si Apple ne veut pas obéir à la France depuis la Californie, ses iPhone 6 sécurisés deviendraient interdits en France (si tant est bien sûr qu’Apple soit effectivement jugé coupable de ne pas avoir fourni des « informations pertinentes » en refusant de débloquer un téléphone).
Apple « complice des entreprises terroristes »
Il est déjà prévu dans le code pénal l’obligation pour toute personne possédant des clés de chiffrement ou d’autres informations utiles à l’enquête de les fournir sur réquisition judiciaire. Mais l’objectif affiché des députés est d’aller plus loin, comme le veulent le gouvernement et le FBI américains, dans leur procédure en cours contre Apple. Les parlementaires, qui n’ont que faire des grands discours sur les droits fondamentaux (une chose gênante dans un état de droit), veulent obliger les fournisseurs de technologie à casser eux-mêmes les verrous qu’ils installent dans leurs produits, lorsque ce sont les utilisateurs qui restent maîtres des clés.
Loin de voir dans l’attitude d’Apple une protection des droits de l’homme dont ses clients doivent bénéficier aussi bien en France qu’en Arabie Saoudite, M. Ciotti estime que « ce refus des grands opérateurs [d’aider à débloquer un téléphone chiffré] est une forme de complicité avec les entreprises terroristes ».
« Alors que nous avons consacré des mois de débats à la déchéance de nationalité, il est impensable qu’aucun dispositif n’ait été prévu et proposé pour nous protéger réellement contre le terrorisme », s’insurge Éric Ciotti, qui dit vouloir « provoquer un débat de fond sur le rôle d’internet et des nouvelles technologies ».
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