Isabelle Falque-Pierrotin, conseillère d’Etat et présidente du Forum des droits sur l’Internet rattaché à Matignon, a remis jeudi au premier ministre François Fillon un rapport sur la lutte contre le racisme sur Internet (.pdf). Il avait été commandé il y a un an lorsque des « développements du conflit Israélo-palestinien ont suscité certaines dérives quant à l’utilisation de la liberté d’expression« , avec selon le gouvernement un afflux de commentaires racistes ou antisémites sur les sites Internet.
De bonne facture (c’est assez rare pour le signaler), le rapport se garde bien d’abonder dans le sens des observations gouvernementales, et de préconiser des mesures aussi spectaculaires qu’inutiles. « La présence des contenus racistes sur internet est réelle mais difficile à évaluer dans sa volumétrie exacte« , note ainsi le rapport, qui se refuse au pessimisme ambiant. Si certains acteurs audités ont « constaté la recrudescence de ces contenus début 2009« , Isabelle Falque-Pierrotin ne pense « pas que le conflit israélo-palestinien soit en voie d’être importé sur notre territoire« .
Elle constate en revanche une « grande diversité du discours raciste qui affecte toutes formes depuis l’expectoration primaire de la haine jusqu’au discours d’apparence scientifique mais porteur de la même haine« . Internet n’est que le reflet de la société, puisque l’auteur a pu constater comme dans la société hors-ligne un lien « entre exclusion, discrimination et racisme« . Il faut donc « garder à l’esprit l’interdépendance (de ces) phénomènes« , manière de dire que ça n’est pas en censurant le racisme qu’on le fera disparaître, mais bien en traitant le problème au fond, de manière globale.
Sur le filtrage, très attendu dans un rapport qui s’attaque à la diffusion de contenus illicites sur Internet, Isabelle Falque-Pierrotin est aussi très réservée. « Les auditions conduites ont mis en évidence que, même pour ceux à qui importe la question de la lutte contre les contenus odieux, le filtrage n’est pas un remède à généraliser« , écrit-elle, sans grande précision. Ca n’est toutefois pas inédit. En Australie, ce sont des associations de protection de l’enfance qui se sont élevés contre le filtrage de la pédophilie sur Internet. Il semble que les groupements de lutte contre le racisme aient le même sentiment que le filtrage ne résoud rien. Pour preuve, le rapport revient longuement sur l’affaire Aaargh, qui a été jusqu’à la confirmation d’un ordre de blocage en cour de cassation, mais qui n’a pas été suivi d’effet faute d’efficacité technique.
Toutefois, le rapport préconise d’étendre aux contenus racistes les techniques de blocage utilisées contre la contrefaçon : « Quand bien même un contenu vidéo a été retiré par l’hébergeur à la suite d’une plainte, celui-ci est susceptible d’être republié par l’internaute par la suite. En matière de lutte contre la contrefaçon, et afin de lutter contre cette réapparition, les hébergeurs ont mis en place des moyens techniques à base de prise d’empreintes numériques. Les opérateurs devraient être encouragés à utiliser leurs outils de lutte anti-contrefaçon à base de fingerprinting pour éviter la réapparition des contenus racistes et antisémites supprimés à la suite des signalements faits par les internautes usagers de la plate-forme« .
Mais il y a à cela un problème de fond, et juridique. La loi n’oblige les hébergeurs à retirer les contenus signalés que lorsque leur caractère illicite est « manifeste ». Or, « le caractère manifeste est, en ce qui concerne la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, un point délicat« . Citant les cahiers du Conseil Constitutionnel que nous analysions récemment dans le même sens, Isabelle Falque-Pierrotin note que « la caractérisation d’un message illicite peut se révéler délicate, même pour un juriste« . Elle ne cite cependant pas la suite de l’analyse du Conseil constitutionnel, qui prévenait que les hébergeurs un peu trop zélés « porteraient atteinte à la liberté de communication » s’ils supprimaient abusivement des messages.
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