Le projet de loi Loppsi doit être débattu sur les bancs de l’Assemblée à partir du 9 février prochain. Les membres de la Commission des lois ont remis leurs premiers amendements, qui portent notamment sur l’article 4 et la mesure de blocage des sites pédopornographiques qu’il prévoit sans recours à l’autorité judiciaire.

Mise à jour : Le site de l’Assemblée Nationale diffuse en deux documents l’ensemble des amendements déposés en commission des lois : document 1 (.pdf), document 2 (.pdf). Ils sont ce matin en discussion au sein de la commission. On notera en particulier les amendements CL15 et CL18 qui proposent d’étendre au filtrage la publication des images « d’un mineur pratiquant un jeu dangereux ou violent dans le but d’inciter d’autres mineurs à pratiquer ce type de jeu« . Visant par exemple le jeu du foulard, il s’agit là de pratiques où le mineur « porte atteinte à son corps ou à celui d’autrui, en agissant de manière violente ou non sur l’irrigation du cerveau ou sur les parties vitales du corps ».

Par ailleurs, l’amendement CL21 du député Tardy impose le respect de la subsidiarité, c’est-à-dire d’avoir contacté dans un premier temps l’éditeur du site et son hébergeur avant de se retourner vers le fournisseur d’accès pour exiger le filtrage. Le CL23 du même député propose de préciser que le filtrage doit se faire « dans le respect du principe de neutralité des réseaux« , ce qui semble incompatible avec tout filtrage imposé au niveau du fournisseur d’accès.

Article du 25 janvier – La Commission des lois de l’Assemblée Nationale a publié la liste des amendements (.pdf) au projet de loi LOPPSI reçus à l’expiration du délai de dépôt. Ils seront débattus en commission avant le passage du texte devant les députés en séance plénière le 9 février prochain, qui sera une nouvelle occasion pour les députés de présenter des amendements.

Rappelons tout d’abord que le projet de loi Loppsi modifie par son article 4 la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), en disposant que  » Lorsque les nécessités de la lutte contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant des dispositions de l’article 227-23 du code pénal le justifient, l’autorité administrative notifie aux personnes mentionnées au 1 les adresses internet des services de communication au public en ligne entrant dans les prévisions de cet article, et auxquelles ces personnes doivent empêcher l’accès sans délai ».

Si elle est adoptée en l’état, cette disposition créera pour la première fois en France un régime de filtrage du net opéré directement entre les fournisseurs d’accès à Internet et l’administration, sans le contrôle de l’autorité judiciaire. Ce modèle extra-judiciaire avait été envisagé pour bloquer l’accès aux sites de jeux d’argent non homologués par l’Etat, mais il a été finalement décidé de laisser les tribunaux ordonner seuls les mesures de filtrage. Ce qui pourrait ne pas être décidé pour la pédopornographie, malgré les risques très importants de dérives.

Sur les 58 amendements déposés en commission des lois et publiés par l’Assemblée Nationale, 5 seulement touchent à l’article 4.

Le plus radical est l’amendement CL47 déposé par les députés communistes Patrick Braouzec et Michel Vaxès. Il propose en effet de supprimer l’ensemble de l’article, non sans arguments. Le long exposé des motifs reconnaît en effet que l’objectif de l’article 4 est « évidemment louable« , mais qu’il « ne traite du problème de la pédopornographie qu’à la marge et ne permet nullement de réduire la pédopornographie en elle même (les criminels faisant subir ces crimes aux enfants, produisant et diffusant ces images ne sont en aucun cas inquiétés par le présent article)« . Ils y voient même un malin calcul politique. Selon eux, le filtrage permet de « cacher aux internautes le phénomène et sa progression alarmante, à moindre frais pour l’Etat« . Pire, « les criminels qui se rendent coupables d’actes de pornographie infantile et/ou diffusent ces contenus et les visionnent contourneront sans difficulté les mesures de filtrage en utilisant des méthodes d’anonymisation et de cryptage des données transitant par les réseaux de communication au public en ligne, et seront ainsi, paradoxalement, mieux protégés« . Ils estiment par ailleurs (selon nous à raison) que le dispositif est contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel s’il écarte l’autorité judiciaire, que les « soupçons de censure arbitraire » seront inévitables si la liste des sites bloqués n’est pas publiée, et qu’il présente un « risque de sur-blocage arbitraire » contraire à la liberté d’expression. Enfin, le dispositif porte atteinte selon les députés à la neutralité du réseau, et c’est au niveau des ordinateurs qu’il faut filtrer, grâce par exemple à des logiciels de filtrage parental.

Les deux députés communistes déposent également un amendement de repli avec le CL48, qui propose d’imposer à l’autorité adminsitrative de saisir le juge des référés pour ordonner aux FAI « de proposer à leurs abonnés l’arrêt de l’accès » aux sites listés. Ainsi, les abonnés auraient la responsabilité d’activer ou non le filtrage sur leur accès à Internet.

Les députés UMP et Debout La République Lionel Tardy et Nicolas Dupont-Aignan signent deux amendements distincts mais qui se rejoignent dans leurs intentions. Le CL22 de M. Tardy demande en effet un « accord de l’autorité judiciaire » avant toute mesure de filtrage ordonnée par l’administration aux FAI. Le CL32 de M. Dupont-Aignan est plus direct, puisqu’il supprime la référence à l’autorité administrative, et la remplace par l’autorité judiciaire uniquement. « Il ne faudrait pas que le filtrage évoqué dans l’étude d’impact se substitue au
caractère punitif de la justice sinon c’est l’impunité pour les diffuseurs de contenus illicites
« , justifie M. Dupont-Aignan.

Enfin, avec le CL24, Lionel Tardy propose d’obliger l’administration à préciser aux FAI « les techniques de blocage qui peuvent être utilisées » pour bloquer l’accès aux sites pédophiles. C’est une manière de faire reposer la responsabilité d’un échec, de sous-blocage et de sur-blocage, sur l’administration. « La loi ne peut pas se contenter d’ordonner un blocage de l’accès à certains sites internet sans indiquer aux FAI quelles techniques ils peuvent utiliser. Il faut que l’obligation qui pèse sur eux soit une obligation de moyens, et pour cela, il est nécessaire de lister les moyens qui peuvent être mis en œuvre« , défend M. Tardy.

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