Aux grands maux, les grandes phrases. Un amendement n°51 au projet de loi sur la réforme pénale, déposé par le député Pierre Lellouche (LR) et par près d’une vingtaine de collègues, vise à faire des FAI, opérateurs télécoms et éditeurs de services en ligne des complices du terrorisme, lorsqu’ils refusent de livrer des informations sur leurs clients dans le cadre d’enquêtes pénales. Dans les motifs de l’amendement, le député cite explicitement l’exemple d’Apple, qui s’oppose à la justice américaine, et la difficulté d’obtenir des données non chiffrées.
Selon le texte de l’amendement, « les opérateurs de télécommunications, fournisseurs d’accès à internet ou tout prestataire de service sur internet, sont tenus de communiquer à la demande du juge d’instruction et du procureur de la République, toutes les informations en leur possession concernant les personnes dont il existe des raisons sérieuses de penser qu’elles sont liées à des activités à caractère terroriste ou qu’elles sont en relation directe et non fortuite avec une personne ayant un tel comportement ».
Leurs personnels dirigeants, qui refuseraient de coopérer avec la justice, s’exposent à des poursuites pour complicité de terrorisme
Une telle obligation générale de fourniture des données conservées par les FAI ou les éditeurs existe déjà dans la loi, qu’il s’agisse de fournir des métadonnées ou les clés de chiffrement utilisées, lorsque l’éditeur les possède. Au moins pour ce qui concerne les entreprises françaises, son application ne pose jamais problème.
Mais pour aller plus loin dans l’intimidation ou le spectacle médiatique, le texte proposé précise que même « leurs personnels dirigeants, qui refuseraient de coopérer avec la justice, s’exposent à des poursuites pour complicité de crimes et délits constituant des actes de terrorisme ».
La force du Dark Cloud
Pour justifier son amendement, Pierre Lellouche affirme qu’il est « démontré le fait que les attentats de Paris ont fait l’objet de communications cryptées sur différents réseaux sociaux ou sur des réseaux cryptés (dark cloud) », ce qui n’est pourtant pas démontré. Jamais aucune déclaration publique officielle, ni même d’information officieuse sérieuse, n’est venue affirmer l’utilisation de moyens de communication chiffrés lors des attentats de Paris. Au contraire, on a surtout parlé de SMS en clair.
Par ailleurs l’amendement veut s’inscrire dans le débat actuel sur Apple et le FBI. Or c’est taper complètement à côté. Toute la difficulté aux États-Unis est justement qu’en l’espèce, Apple ne possède pas les informations que le gouvernement demande, et qu’il doit donc aider à pirater un iPhone pour les obtenir. Tel qu’il est rédigé, l’amendement ne s’appliquerait pas à Apple.
Mais pour M. Lellouche, qui cite explicitement cette affaire en exemple dans les motifs de son amendement, « il est devenu impératif dans le cadre de la lutte contre le terrorisme d’obliger les opérateurs (…), qui eux, disposent de toute les informations sur les communications qui transitent par leurs réseaux, alors que les États n’en disposent pas, de fournir lesdites informations à la justice, sous peine de se voir eux-mêmes considérés comme des complices des personnes qui se livrent à des activités terroristes ».
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