Pendant mes vacances, j’ai beaucoup réfléchi aux mensonges. Ceux de mon compte Instagram, quand j’ai partagé des photos d’un joli repas au soleil (quelques heures plus tard, j’étais clouée au lit par une violente insolation). Ceux que j’ai vus passer dans mon fil d’actualité, comme cette vidéo d’un média américain appelant au boycott des Jeux Olympiques, largement partagée dans les milieux de gauche (il s’agissait en fait d’une opération d’influence potentiellement financée par un entrepreneur azerbaïdjanais). Ceux d’Elon Musk (il y en a trop pour les détailler).
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Bien sûr, on ment en ligne et en dehors. Mais internet entretient une relation particulière avec les bobards. D’un côté, les personnes surpris·es en train de mentir aux autres sont très critiqué·es. De l’autre, on apprécie de se faire avoir, y compris par soi-même.
Being delulu is the solulu (se bercer d’illusions est la solution), me hurle TikTok depuis des mois. On a envie de croire qu’on n’a pas fini ce charmant déjeuner le nez dans la cuvette des toilettes, que le monde entier s’inquiète des violences policières en France, que des personnes trop riches s’entretuent au Burning Man ou qu’Elon Musk va se faire casser la figure par Mark Zuckerberg. On sait bien que c’est faux, mais on joue le jeu quand même.
Un récent article du magazine Rolling Stone illustre ce phénomène. On y apprend qu’il existe une petite industrie de fausses vidéos de « Karen ». Ce mème désignait à l’origine une femme blanche au comportement égoïste et malpoli, particulièrement envers les personnes occupant des emplois de service, par exemple, une caissière ou le serveur d’un restaurant.
Puis il a pris une connotation beaucoup plus sérieuse en 2020, devenant symbole du racisme des femmes blanches qui profitent de leurs privilèges pour agresser verbalement ou physiquement des personnes racisées. À l’époque, le terme a provoqué un débat sur son potentiel sexisme (à ce propos, je vous recommande de lire cet article du regretté Bitch Media). Aujourd’hui, à peu près tout le monde s’accorde à critiquer les Karen, et il est fréquent de croiser des vidéos d’inconnues au comportement erratique dont les internautes se moquent.
Parfois, c’est complètement bidon
Sauf que parfois, c’est complètement bidon. L’article de Rolling Stone relève plusieurs exemples de vidéos de Karen qui ont été tournées en studio, dans le seul but de devenir virales en ligne. Souvent, il est assez facile de détecter que ces contenus sont factices. Mais la plupart du temps, l’audience s’en fiche. « On ne manque pourtant pas d’exemples véridiques de femmes blanches qui traitent mal celles et ceux avec moins de pouvoirs qu’elles« , conclut l’article. « Peut-être que les internautes ne souhaitent pas vraiment que ces personnes soient tenues responsables de leurs actes dans la vie réelle. Tout ce qui compte, c’est le spectacle. » Autrement dit, on aime montrer qu’on s’indigne, et on aime aussi quand ça nous divertit.
C’est là où, si je peux me permettre, se bercer d’illullu n’est pas la solulu. La désinformation en ligne est un sujet complexe et qui prend de nombreuses formes, pas seulement des deepfakes d’Emmanuel Macron (un phénomène par ailleurs bien plus rare que le trucage de vidéos à des fins de harcèlement sexuel). Elle ne s’ancre pas toujours dans la haine des autres, mais aussi dans nos désirs de justice sociale.
Surtout, elle est monétisable. Sur Twitter/X, un compte vérifié peut désormais réclamer une partie des revenus publicitaires engrangés par ses tweets les plus regardés, comme c’est déjà le cas sur YouTube, TikTok ou Instagram. On a (difficilement) appris que réagir à des messages violents augmentait leur viralité. Mais, a-t-on envie de distinguer les fausses injustices des vraies ?
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