Un amendement a laissé penser que les VPN pourraient être interdits en France. Bien que sa portée était en réalité moindre, la mesure aurait effectivement restreint l’usage de ces réseaux privés virtuels au niveau des réseaux sociaux.

La polémique aura éclaté en fin de semaine, avant de trouver son épilogue au cours du week-end : il n’y aura finalement pas d’interdiction d’utiliser un VPN en France. L’amendement polémique que défendait le député Mounir Belhamati, du groupe Renaissance (ex-LREM), a été retiré par l’intéressé après avoir été abondamment critiqué en ligne.

Un rejet à la hauteur de ce que prévoyait l’amendement, déposé dans le cadre du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, un texte qui couvre plusieurs problématiques. Parmi elles, la lutte contre la propagande étrangère sur le net, le déploiement d’un filtre anti-arnaques, la facilitation du blocage des sites X, ou encore le bannissement des réseaux sociaux en cas de harcèlement.

C’est dans ce contexte que le parlementaire proposait de compléter le texte, dite loi SREN, pour « interdire à tout utilisateur d’un réseau social de publier, commenter ou interagir en utilisant un réseau privé virtuel ». En l’espèce, les sites communautaires auraient été tenus de détecter les internautes utilisant un VPN, et de les empêcher de se connecter, ou du moins d’interagir avec les autres.

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Un exemple de capacité de VPN : il est possible de faire passer sa connexion dans différents pays du monde, comme si on s’y trouvait. // Source : ProtonVPN

Dans son amendement, le député expliquait ne pas chercher l’interdiction globale des VPN, mais d’en exclure l’emploi dans un cadre précis : celui des réseaux sociaux. Il faisait observer que les VPN pouvaient compliquer la tâche des enquêteurs lorsqu’il faut remonter la piste d’un internaute qui en harcèle un autre, si celui-ci utilise un tel outil pour masquer ses traces.

Une analogie avec la voie publique avait été proposée, pour illustrer le problème : dans la rue, l’identité des passants n’apparaît pas de prime abord. Cependant, celle-ci peut-être connue de la justice et de la police en cas de contrôle ou de procédure judiciaire. Mais du côté des réseaux sociaux, qui sont aussi des espaces publics en ligne, les choses peuvent se corser, selon le député.

Certes, « les services judiciaires peuvent actuellement exiger la fermeture du compte et l’adresse IP de l’utilisateur du compte auprès des opérateurs », a-t-il relevé. Mais avec un VPN, c’est moins évident : l’identification de l’internaute est plus difficile et demande des moyens accrus pour retrouver la personne et la sanctionner en cas d’infraction.

Or, ajoutait le député, cette situation peut entraîner des abus en matière de liberté d’expression, au-delà de ce que permet la loi. En creux, c’est l’emploi malveillant des VPN qui est pointé du doigt, afin de d’éviter toute conséquence en cas d’acte de cyberharcèlement ou bien à la suite de propos haineux, homophobes, racistes, diffamants ou encore injurieux,

C’est quoi, un VPN ?

Un VPN, ou réseau privé virtuel (Virtual Private Network, en anglais), consiste à faire communiquer deux ordinateurs entre eux — le vôtre et celui mis à disposition par le VPN — via un tunnel chiffré par lequel passent les informations échangées. Il permet de faire croire que le point de connexion est celui de l’ordinateur fourni par le VPN, et non pas celui du vôtre.

Dans l’imaginaire du grand public, les VPN servent à faire croire que l’on est situé à un autre endroit du globe. Cela permet de contourner le filtrage géographique (dans la presse), d’accéder à des catalogues audiovisuels inaccessibles (en SVOD), de faire du piratage pour éviter la riposte graduée de l’Arcom, mais aussi à accroitre son degré de confidentialité sur le web.

Mais il existe aussi un usage moins évident pour les particuliers : dans l’entreprise, les VPN permettent de se connecter à des réseaux locaux, sans avoir besoin d’être sur place. Avec un tel outil, on peut ainsi rejoindre le réseau de son entreprise tout en restant en télétravail. L’outil sert aussi pour le cloud computing. Ici, ce ne sont pas des VPN commerciaux qui sont employés.

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Pour le grand public, VPN est surtout synonyme de VPN commerciaux : NordVPN, ProtonVPN, CyberGhost, Surfshark, ExpressVPN, VyprVPN… // Source : Numerama

L’amendement de Mounir Belhamati suggérait un autre usage illicite : employer un VPN pour cacher sa connexion afin de s’en prendre à quelqu’un sur les réseaux sociaux. S’il y a la possibilité demander à un prestataire de VPN de coopérer dans le cadre d’une enquête, le parlementaire laissait entendre que ce serait plus simple de ne pas permettre l’emploi d’un VPN sur un réseau social.

Ce genre d’interdiction existe déjà en partie ailleurs. Dans le milieu de la SVOD, certaines plateformes refusent l’emploi des VPN — on l’a vu avec Disney+ ou bien Paramount. Cette décision est toutefois fondée non pas sur des considérations de liberté d’expression et de harcèlement, mais d’enjeux économiques et de droits de diffusion.

Surtout, il s’agit de mesures prises à l’initiative des services de SVOD concernés — et tous ne suivent pas nécessairement cette politique (Netflix est plus coulant que certains de ses concurrents sur ce terrain). Dans le cas de la loi SREN, la mesure émanerait du législateur et serait de fait une obligation pesant sur tous les sites communautaires.

Une démarche pour engager une discussion sur les VPN

Sur X (ex-Twitter), le député à l’origine de l’amendement s’est fendu d’un long message pour affirmer qu’il « [était] bien évident [qu’il n’imaginait] pas son adoption telle qu’elle ». Il ne s’agissait en outre ni d’empêcher l’utilisation d’un VPN pour consulter les réseaux sociaux ni d’interdire leur utilisation générale. Seule la publication sur ces sites avec un VPN aurait été restreinte

L’objectif de cette démarche était notamment « d’ouvrir un débat sur un sujet qu’on estime insuffisamment pris en compte dans le débat public », en questionnant « l’inefficacité de nos moyens de traque des personnes qui commettent des délits en ligne en utilisant à dessein des systèmes rendant plus difficile leur identification par les autorités judiciaires. C’est cela le sujet. »

Regrettant la polémique, « que certains ont choisi de prendre au pied de la lettre pour agiter d’inutiles chiffons rouges », le parlementaire considère que c’est une occasion manquée « d’accepter une discussion de fond sur le sujet non de l’anonymat des comptes, mais des obstacles mis à l’identification des auteurs de messages délictueux

https://twitter.com/MounirBelhamiti/status/1703340762543301000

D’autres amendements retirés, certains maintenus

Cet amendement, repéré initialement par L’Informé le 15 septembre, n’est pas le seul à être tombé. D’autres initiatives liées aux VPN ont été retirées ces derniers jours par les parlementaires de Renaissance ou du MoDem.

Ainsi, ont été retirés les amendements qui :

  • proposaient de traiter les internautes utilisant des VPN comme des mineurs par défaut, pour éviter qu’ils s’en servent pour contourner le processus de la vérification d’âge de l’utilisateur en cas d’accès à un site X (amendement n°CS504) ;
  • renforçaient la durée du bannissement d’un internaute des réseaux sociaux si celui fait délibérément usage d’un VPN pour contourner son bannissement (amendement n°CS515) ;
  • obligeaient les VPN permettant de changer d’adresse IP à refuser la souscription de tout internaute mineur (sauf en cas d’autorisation parentale) (amendement n°CS232).
Source : Wikimedia / Montage Numerama
D’autres amendements sur les VPN sont toujours dans la boucle. // Source : Wikimedia / Montage Numerama

Pour autant, le sujet sur les VPN dans le cadre de la loi SREN n’est pas tout à fait refermé. Trois amendements sont toujours listés à l’Assemblée nationale, mais leur portée est moindre.

  • Le premier demande au gouvernement un rapport formulant des recommandations pour lutter contre l’usage illicite des VPN, dans le cadre d’un contournement de la vérification de l’âge des internautes (amendement n°CS491) ;
  • le deuxième vise à faire en sorte sur les VPN ne permettent pas l’accès à un réseau Internet non soumis à la législation et règlementation française ou européenne (amendement n°CS786) ;
  • le troisième suit cette même logique (amendement n°CS690).
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