C’est un message en apparence anodin, publié dans l’après-midi du 25 septembre. Mais c’est un tweet qui a en réalité soulevé une question juridique captivante, car l’affaire convoque la récente loi française concernant l’influence sur les réseaux sociaux. Et, une fois n’est pas coutume, ce n’est pas une star du web qui s’est retrouvée sur le banc des accusés. C’est une ministre.
Amélie Oudéa-Castéra en charge des Sports et des Jeux Olympiques au sein du gouvernement Borne, a été épinglée par des internautes après un message mettant en avant Coca-Cola. Deux photos accompagnent le message, où l’on voit la ministre avec Mickael Vinet, le patron de Coca-Cola France, et Claire Revenu, la manager générale des JO de 2024 chez Coca-Cola.
La marque est présentée comme un « acteur important » dans l’organisation des Jeux. Coca « concourt à l’ambition » des J.O., notamment en mettant au point « un modèle vertueux de distribution des boissons » pendant la compétition, tout en réduisant « au strict minimum l’usage du plastique à usage unique tant pour les spectateurs que pour les athlètes. »
Or, plusieurs membres du réseau social X (ex-Twitter) ont tiqué sur ces propos laudatifs de la ministre, où Coca aiderait à « faire vivre à tous les Français la ferveur du Relais de la flamme », tout en agissant « dans l’inclusion par le sport », à travers un soutien « moins connu, mais très engagé ». Il s’agirait en somme d’une publicité déguisée, à leurs yeux.
« Wsh elle est où, la la mention ‘collaboration commerciale’ ? », s’est demandé Brandon sur X. « On doit être dans le top 10 des pires placements de produit, facile », a rebondi Maxime. « Partenariat rémunéré ou pas ? », s’est pour sa part demandé Abdé. Plusieurs autres messages publiés en réaction au tweet sont du même acabit.
En somme, il aurait fallu qu’Amélie Oudéa-Castéra ajoute à son tweet une mention de type « publication sponsorisée » ou « collaboration publicitaire » pour être en phase avec la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Celle-ci est en vigueur depuis le 10 juin, date de sa parution au Journal officiel.
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Quels sont les différents types d’influenceurs ?Tout l’enjeu de l’existence d’une réelle contrepartie
Mais encore faudrait-il prouver une contrepartie de Coca-Cola pour ce message. C’est ce que rappelle Raphaël Molina, avocat spécialiste en communication et en influence, contacté par Numerama. Car dans le cadre de la nouvelle loi française sur les influenceurs, l’ajout d’une mention comme « Collaboration commerciale » ou bien « Publicité » doit survenir en cas de transaction.
« [La ministre] pourrait être considérée comme pratiquant l’influence commerciale, si une contrepartie de Coca Cola existe », explique ainsi Raphaël Molina. Dans ce cas de figure, « elle aurait dû indiquer ‘Collaboration commerciale’ ou ‘Publicité’ ». Cette contrepartie peut être de l’argent ou un cadeau. Mais encore faut-il prouver qu’un tel échange a eu lieu, ce qui n’est pas fait.
En principe, n’importe qui peut tomber sous le coup de la loi sur les influenceurs — c’est ce que rappelle l’article premier du texte. Cependant, les reproches adressés à la ministre se heurtent à un obstacle : celui de la matérialité d’une transaction. Dès lors, le texte de loi ne paraît pas en l’état mobilisable. Et le tweet, jusqu’à preuve du contraire, n’est pas illicite sur ce point.
Réagissant à la polémique naissante, le député Stéphane Vojetta, qui a été lors des débats à l’Assemblée nationale le rapporteur du texte sur les influenceurs, a lui aussi réagi, mardi 26 septembre, en expliquant que « le cas des élus et des politiques au moment de la préparation de la loi influenceurs » a été abordé. Or, ce cas de figure ne peut pas advenir, estime-t-il.
« Par définition (Code de la Déontologie, Haute Autorité pour la transparence de la vie publique) un député ou un ministre ne peut pas être rémunéré pour prêter son image à une collaboration commerciale. Les conséquences auxquelles s’exposeraient les contrevenants seraient plus embêtantes qu’une simple infraction à la loi sur les influenceurs… » a-t-il ajouté.
S’il n’y a pas de compensation sous une forme ou sous une autre, cette loi semble en tout état de cause hors sujet. C’est en revanche sur le terrain moral que le tweet peut être davantage contesté — ce que font les internautes d’ailleurs, en pointant la décision, jugée discutable et malheureuse, de la ministre de prêter ainsi son image pour de la communication.
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