Cet article fait partie d’une série sur les coulisses numériques des campagnes politiques que nous poursuivrons sur Numerama jusqu’à la présidentielle de 2017. Vous pourrez déjà retrouver notre rencontre avec la tête pensante de la campagne numérique d’Alain Juppé, notre reportage sur la stratégie de Jean-Luc Mélenchon, la campagne orchestrée par les jeunes républicains et le décryptage du mouvement NuitDebout sur le web.
Les primaires républicaines qui se tiendront les 20 et 27 novembre prochains s’avèrent être un très bon exercice préparatoire avant d’aborder la campagne présidentielle. Quelle stratégie adopter ? Comment composer avec les réseaux sociaux et se servir des nouvelles technologies ? Mais surtout, en creux, une question : comment attirer les jeunes ?
Nous avons rencontré Kéliane Martenon, celle qui se présente comme la « cheffe des internets » de Bruno Le Maire. Elle nous a parlé de sa façon de voir la campagne pour les primaires mais aussi de sa vision du numérique et des réseaux sociaux.
C’est dans le sixième arrondissement, rue de Seine, entre les galeries d’art, et les terrasses de café chères à Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, que Bruno Le Maire à choisi d’installer son QG de campagne. Celui-ci est d’ailleurs à l’image de ce que désire le candidat pour sa campagne : peuplé de jeunes qui bougent, échangent, rigolent, se payant même le petit plaisir d’une bière sur la terrasse en début de soirée. Bruno Le Maire, le candidat qui se réclame du renouveau, s’est entouré d’une équipe de millenials, ceux qui sont nés au milieu d’internet et des réseaux sociaux, pour l’aider à conquérir le cœur des jeunes mais aussi des moins jeunes.
À moins de 25 ans, Kéliane Martenon est celle qui gère l’image de son candidat sur les réseaux sociaux et sur internet. D’ailleurs Bruno Le Maire n’a de cesse de féliciter sa jeune collègue, elle qui prône l‘autonomisation de la campagne comme clef de la réussite, avec le concept « Les jeunes avec BLM ». Le principe est de laisser les jeunes gérer la campagne du candidat de manière libre et décalée. Il ne faut pas aller chercher bien loin, pour « Les jeunes avec BLM », il suffit de télécharger Snapchat et s’en servir. Grâce au réseau social, les jeunes militants souhaitent faire vivre la campagne de l’intérieur.
Bruno Le Maire et son équipe misent gros sur les réseaux sociaux mais surtout sur Snapchat, le réseaux social qui fait fureur chez les jeunes de mois de 25 ans, mais aussi au sein d’une autre primaire, outre-Atlantique cette fois-ci. En effet, les deux candidats aux primaires démocrates, Bernie Sanders et Hillary Clinton, ont basé une partie de leur stratégie de campagne sur elle et se servent de l’application au petit fantôme jaune dans le but de montrer l’envers du décor de leur engagement politique.
Faire campagne différemment
Snapchat n’est pas l’unique clef de la communication de BLM. Celui qui se dit très attaché à la démocratie participative mais aussi à la fluidité des échanges rendue possible grâce au réseaux sociaux, s’essaie à tous les exercices : Live sur Periscope, questions-réponses sur Twitter et Facebook, ces initiatives 2.0 connaissent un certain succès quitte à susciter des sentiments de frustration. « Lors du dernier question-réponse, on a eu plus de 900 questions, le problème c’est qu’il faut expliquer aux gens qu’en une heure il ne peut répondre qu’à cinquante questions,ce qui donne lieu à des frustrations par la suite », lance Kéliane Martenon.
Le candidat ne rechigne jamais à la tâche et semble prendre du plaisir à donner ce genre de rendez-vous informel à sa communauté, en espérant toucher ceux qui n’en font pas encore partie. Une façon aussi de prendre la parole quand il le souhaite sans attendre qu’un plateau de télévision ou un studio radio ne l’invite.
Nous avons eu l’occasion d’assister au premier live sur Facebook organisé par l’équipe de BLM. Ambiance à l’américaine pour ce premier stream : un mug estampillé Instagram posé devant lui, un fond bleu marqué à la craie et un hashtag #avecBLM. L’ambiance est tellement détendue que quelques secondes avant le début du stream, son équipe lance quelques blagues auxquels Bruno Le Maire répond : « Arrêtez, vous allez me faire marrer et après ça va pas être possible ». Le sérieux aura pourtant repris le dessus et aucun éclat de rire n’aura fait son apparition pendant l’heure de live.
Kéliane Martenon était chargée de sélectionner les questions postées par les utilisateurs sur la page Facebook. La tâche fut rude puisqu’à l’heure du bilan, elle a dénombré plus de 2 600 commentaires. Et entre les trolls et les commentaires inappropriés, seules une dizaine de questions ont été sélectionnées.
Le caractère décalé que souhaite donner Kéliane Martenon à la campagne de son candidat se ressent quand la jeune femme sélectionne un commentaire posté par un certain Arthur. Celui-ci demande à Bruno le Maire s’il est partant pour faire un footing avec le jeune homme en Alsace. Le candidat lui répond avec le même sérieux employé que sur les questions plus conventionnelles : « Si je me souviens bien de mon agenda, ça peut être possible samedi matin, je serai en déplacement à Colmar ».
Tiendra t-il sa première promesse ?
Après une heure de stream, Bruno Le Maire semble satisfait de sa prestation, les chiffres vont dans ce sens puisqu’il y a eu plus de 16 000 personnes à suivre ce live et au lendemain de sa diffusion, plus de 30 000 personnes ont visionné la vidéo. Pour Bruno Le Maire, « c’est une nouvelle façon de faire campagne avec une seule règle : celle de l’échange ». Avant d’ajouter : « Ces directs sur les réseaux sociaux permettent un échange qui se fait dans la sincérité et dans l’écoute ».
réseaux sociaux vs NationBuilder
Comme Alain Juppé et la majeure partie des candidats à la primaire des Républicains, Bruno Le Maire utilise lui aussi le fameux CMS-CRM NationBuilder. Mais pour Kéliane Martenon, pas question de continuer à entretenir le mythe autour de NationBuilder : « On entend énormément parler de NationBuilder ces derniers temps. Ce qui me frappe dans la façon dont on en parle c’est cette façon de le glorifier, il s’agit d’un simple outil et c’est pas l’outil qui vous fait gagner des élections, c’est la manière dont on va l’utiliser. »
D’ailleurs BLM et son équipe ont fait le choix de ne pas mettre le site sur NationBuilder. Pour Kéliane Martenon, il s’agit de savoir se différencier des autres : « On voulait vraiment garder une créativité et un côté original par rapport à tous les autres qui utilisent NationBuilder ». Elle finit par ajouter : « Au final, on se retrouve avec des sites très américanisés et insipides ».
NationBuilder est donc utilisé comme simple base de données dans le but d’établir les mailings mais aussi de cibler les actions. Mais encore une fois, Kéliane Martenon rappelle à quel point les réseaux sociaux sont nécessaire dans l’organisation de cette campagne : « Ce qui est primordial pour nous c’est de faire en sorte que les réseaux sociaux servent d’outils participatifs, ils nous servent aussi d’outils d’organisation entre nous », dit-elle.
Bruno le Maire est donc le candidat de tous les supports, il est sur tous les fronts et tous les réseaux sociaux : Instagram, Snapchat, Facebook, Twitter. Impossible de passer à côté du « renouveau » sur les réseaux : « ça implique une certaine proximité », dit Kéliane Martenon, « les gens se disent que Bruno Le Maire utilise les mêmes réseaux sociaux qu’eux et il fait ça de façon très naturelle, il a ce réflexe lorsqu’il sort d’un meeting ou d’une interview de regarder les réseaux sociaux et voir comment les gens réagissent ». Pour elle, il est essentiel de mettre en avant ce côté « nouvelles pratiques politiques » et il n’y a que sur les réseaux sociaux où cela peut se faire aujourd’hui.
Les mots d’ordre de cette campagne numérique de Bruno Le Maire sont jeunesse et spontanéité. Celle-ci, véhiculée par les jeunes, sert également à rajeunir « l’électorat de droite, plus âgé que celui de gauche », lance Kéliane qui se donne comme défi « d’essayer de toucher les jeunes qui votent Front National et d’arriver à les toucher avec tout ce discours autour du renouveau de la politique ». Même si elle avoue ne pas être certaine que cette jeunesse mise en avant puisse faire la différence dans les résultats : « Cela aura tout de même eu le mérite de créer une vraie dynamique », se rassure-t-elle.
Pour le clan BLM, les réseaux sociaux sont ultra stratégiques et l’équipe va même jusqu’à faire un parallèle entre l’image d’une marque gérée sur les réseaux et celle d’un homme politique : « beaucoup de gens laissent des commentaires sur les pages Facebook des femmes et des hommes politiques, derrière, personne n’y répond. Pour une marque, c’est primordial de répondre aux personnes qui commentent sur les réseaux sociaux et nous voulons faire la même chose ». Pour Kéliane Martenon, le numérique est un support qui crée une dynamique sur le terrain. Il se dégage une sorte de sentiment d’hyper activité à travers les différents réseaux sociaux utilisés par l’équipe. Est-ce, au fond, le cœur de la stratégie ? « Les gens sentent notre dynamique et ça peut donner envie de s’engager ».
Quoiqu’il en soit, Bruno Le Maire sera celui qui, à droite, aura voulu insuffler une nouvelle dynamique, se servant de réseaux sociaux comme outils de communication privilégié. Un moyen de trouver une certaine indépendance sans avoir à solliciter les médias traditionnels mais aussi d’attirer les jeunes dans sa campagne.
Cet article fait partie d’une série sur les coulisses numériques des campagnes politiques que nous poursuivrons sur Numerama jusqu’à la présidentielle de 2017. Vous pourrez déjà retrouver notre rencontre avec la tête pensante de la campagne numérique d’Alain Juppé, notre reportage sur la stratégie de Jean-Luc Mélenchon et la campagne orchestrée par les jeunes républicains.
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