Mise à jour 2 : C’est aujourd’hui qu’est organisé à Paris le colloque de l’ARCEP. Nous y serons toute cette journée. Vous devriez le pouvoir le suivre en direct sur le site officiel de l’Autorité.
Mise à jour : Jean-Ludovic Silicani a réagi aux critiques en assurant que l’ARCEP n’avait pris « aucune position à ce stade ». Voir cet article.
Article du 3 mars 2010 – Qu’on se le dise, la neutralité du réseau sera le sujet chaud de cette année 2010. Pour s’y préparer, l’Autorité de régulation des communications et des postes (ARCEP) organise le 13 avril prochain à Paris un colloque de haut rang, qui sera très riche d’enseignements. Mais déjà rien que le programme nous en apprend beaucoup sur la vision de la neutralité du réseau qui sera présentée par l’ARCEP lors de cette journée où se rendront entre autres universitaires américains, représentants de la FCC, Pdg de France Telecom, directeur général de Bouygues Telecom, directeur de la stratégie de SFR, directeur général de Free, lobbyiste en chef de Google, membre de l’Hadopi, présidente du Forum des droits sur Internet, député, sénateur, et même secrétaire d’Etat à l’économie numérique.
Comme le pointe du doigt Pierre Col, il y a de quoi s’inquiéter à la lecture du programme. Le débat sur la « gestion du trafic, tarification et partage de la valeur » introduit ainsi une idée de « neutralité témpérée » :
La question de la neutralité s’applique d’abord aux relations entre opérateurs de réseaux, hébergeurs et éditeurs de contenus. La gestion du trafic, nécessaire au bon fonctionnement et à l’optimisation de l’architecture des réseaux, soulève plusieurs questions : quel est l’arbitrage efficace entre » priorisations » de trafic et investissements de capacité ? La gestion du trafic peut-elle s’accompagner de différenciations tarifaires induisant une nouvelle répartition de la valeur le long de la chaîne contenants-contenus ? Quelles sont les pratiques de gestion qui respectent le mieux le principe de neutralité et conduisent à un équilibre de » neutralité tempérée » qui soit acceptable par les acteurs du marché et par les consommateurs ?
Idée reprise par le débat suivant, sur les « modalités d’accès aux contenus » :
La finalité essentielle des communications électroniques est l’accès des consommateurs aux contenus au travers des réseaux. Si le principe d’une neutralité tempéré, ou » quasineutralité « , garantit un accès équitable et efficace, de nombreuses questions demeurent posées quant aux modalités de mise à disposition des contenus : la prévention de comportements anticoncurrentiels, le respect de la vie privée, la protection de la propriété intellectuelle, la lutte contre les contenus illégaux, la numérisation des données, etc.
Outre la mise comme une évidence de l’acceptation du principe d’une « quasineutralité » qui serait admise par chacun comme garantissant l’accès équitable et efficace, c’est en fait aussi et surtout la première phrase qui choque et qui est parfaitement rétrograde. « La finalité essentielle des communications électroniques est l’accès des consommateurs aux contenus au travers des réseaux ».
Comme si, comme sur la télévision de papa et le magazine de maman, la finalité d’Internet n’était que d’accéder à des contenus, pas d’en créer et d’en échanger. Or la finalité des communications électroniques, c’est bien avant tout d’échanger des informations, pas simplement d’en recevoir. La subtilité est loin d’être neutre d’un point de vue technique. C’est le sort réservé à l’upload et à des protocoles comme le P2P qui est en jeu.
Déjà le choix technique de l’ADSL relevait d’un choix idéologique. L’Asymmetric Digital Subscriber Line déséquilibre par définition le rapport entre l’upload et le download, au bénéfice de ce dernier. L’issue du débat sur la neutralité du net pourrait radicaliser cette vision, en bridant les communications qui n’arrangent pas les plans commerciaux des fournisseurs d’accès à Internet, et en particulier leurs partenariats avec certains fournisseurs de contenus.
Cette vision énoncée par l’ARCEP confirme en tout cas les craintes que nous avions lorsque Jean-Luc Silicani en a été nommé président. « Une nomination qui pourrait être lourde de conséquences pour le filtrage des contenus« , avions-nous écrit en rappelant qu’il était auparavant le président du Conseil Supérieur de la Propriété littéraire et artistique (CSPLA), qui a milité pour le filtrage des réseaux P2P.
« Si sa personne n’est pas en cause, cette nomination introduit un mélange des genres, qui ne contribuera pas à l’apaisement. Là où l’intérêt général devrait prédominer, nous craignons que des intérêts corporatistes et financiers l’emportent« , s’était d’ailleurs inquiété le député socialiste Patrick Bloche.
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