Le week-end du 7 et 8 octobre 2023 a été le théâtre d’un déchainement de violence inédit au Proche-Orient, mais aussi de très nombreuses réactions sur le net, avec des messages de sympathie à Israël, d’autres en soutien de la cause palestinienne et, parfois, d’encouragement au Hamas. Or, ces derniers commentaires peuvent tomber sous le coup de la loi.
À l’occasion des cinquante ans de la guerre de Kippour, le Hamas a lancé une opération simultanée en Israël, par la terre, par la mer et même par les airs. Des militants de ce groupe palestinien, classé terroriste par plusieurs États dans le monde, ont ainsi pu pénétrer assez loin sur le territoire israélien, appuyés par des tirs de milliers de roquettes.
Le bilan, encore provisoire, est terrible. On dénombre plus de 700 morts côté israélien, et 2 300 blessés. Des dizaines de civils ont été pris en otage, ainsi que des militaires. Côté palestinien également, des centaines de morts et davantage de blessés sont rapportés. Un bilan qui pourrait encore s’alourdir dans les heures et les jours à venir, avec la perspective d’une riposte d’ampleur de l’armée israélienne sur la bande de Gaza.
C’est dans ce contexte d’embrasement que de nombreuses réactions ont fleuri en France. Dans ce torrent de messages sur les réseaux sociaux, des propos favorables au Hamas et à son mode opératoire ont aussi émergé. Cela, alors que ces méthodes n’ont pas visé uniquement des cibles militaires pouvant être considérées comme légitimes. Elles ont aussi été employées, et largement, contre la population elle-même, incluant des femmes et des enfants.
« Il est interdit de prendre des civils pour cible. C’est un crime de guerre. Les règles de la guerre sont claires », a tenu ainsi à rappeler le Comité international de la Croix-Rouge dans un message le 8 octobre. Cela vaut pour toutes les parties, qu’il s’agisse de l’armée israélienne lors de ses opérations à Gaza ou ailleurs, ou du Hamas, même au nom de la cause palestinienne. C’est pourtant la terreur qu’a choisi le Hamas, en attaquant délibérément des civils.
Des sanctions prévues en cas d’apologie du terrorisme sur Internet
Dès lors, cette situation peut avoir des répercussions judiciaires en France pour celles et ceux qui approuvent ou atténuent la portée de l’attaque du Hamas sur le sol israélien. En effet, l’organisation étant considérée comme une organisation terroriste — notamment au niveau de l’Union européenne –, le soutien affiché à ses actions peut s’apparenter à de l’apologie du terrorisme Or, le Code pénal français réprime justement ce type de propos.
C’est ce que rappelait Matthieu Audibert, officier de la gendarmerie et doctorant en droit privé et sciences criminelles, à l’occasion d’un fil explicatif publié en 2020 sur l’état du droit en France. Ainsi, l’apologie du terrorisme est sanctionné à travers l’article 421-2-5 du Code pénal, qui prévoit jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Il s’agit des plafonds prévus par la loi : les peines réelles dépendent ensuite de chaque dossier.
Il faut toutefois noter que l’apologie du terrorisme sur Internet — par exemple sur Twitter, Facebook ou Instagram — constitue une circonstance aggravante. Dans ce cas de figure, les plafonds montent à sept ans de prison et 100 000 euros d’amende. Ces dispositions existent depuis presque une dizaine d’années dans le droit français : elles ont été inscrites à l’occasion de la loi de 2014 « renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme ».
Au-delà des messages de soutien au Hamas, d’autres dispositions juridiques sont potentiellement mobilisables en fonction des circonstances. La diffusion d’actes de torture, de barbarie, de viol, de mutilation ou de meurtre est également punie par la loi, avec cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. C’est l’article 222-33-3 du Code pénal qui joue ici, si des vidéos ou des images d’exactions du Hamas sur les civils israéliens sont propagées en ligne.
L’article 225-17 pourrait aussi être convoqué, en cas d’atteinte à l’intégrité d’un cadavre « par quelque moyen que ce soit ». La dispoition prévoit un an de prison et 15 000 euros d’amende. Enfin, l’article 227-24 fixe une sanction de 3 ans de prison et 75 000 euros d’amende quand des messages « à caractère violent [ou] incitant au terrorisme » peuvent être vus par des mineurs. Or, ceux-ci sont largement présents sur les réseaux sociaux ou peuvent circuler ces contenus.
Les conséquences judiciaires des messages d’apologie du terrorisme ne sont pas que théoriques. Déjà appliqué par le passé, l’article 421-2-5 pourrait de nouveau être mobilisé dans le cadre de plusieurs instructions qui s’annoncent. Selon Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, il y a déjà eu 700 signalements sur le service Pharos, qui sert à remonter aux autorités tout contenu illicite ou perçu comme tel par les internautes.
« Ces signalements à Pharos, c’est autant d’enquêtes judiciaires ouvertes », a fait savoir Gérald Darmanin. De nombreux internautes pourraient se retrouver ainsi bientôt devant les tribunaux — et découvrir par la même occasion que l’emploi d’un pseudonyme ou d’un VPN est loin d’être suffisant pour être anonyme sur Internet. C’est en réalité le contraire : sur le réseau, l’anonymat n’existe pas et les autorités ont divers leviers pour retrouver l’auteur d’un contenu illicite.
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