C’est un développement pour le moins inattendu de l’affaire de la tuerie du Michigan, qui a eu lieu en février. En effet, le chauffeur Uber qui est poursuivi aux États-Unis pour avoir tué six individus dans la petite ville de Kalamazoo est en train de se retourner contre le service spécialisé dans les véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC), à travers une action en justice l’accusant de lui avoir pourri l’existence.
C’est ce qui transparaît de la plainte dont CNET a obtenu une copie.
Tout ou presque y passe : des arriérés de salaire jamais versés aux heures supplémentaires oubliées, en passant par l’absence de prime à Noël et la nécessité de payer son propre carburant, sans oublier l’obligation de couvrir soi-même les réparations de son véhicule, les horaires difficiles avec des appels survenant en fin de soirée, les menaces de licenciement et sa mise à l’écart des fêtes d’entreprise.
La plainte va même plus loin, puisqu’elle fait porter la responsabilité de son incarcération et du divorce avec sa femme sur les épaules d’Uber, en plus de l’accuser de l’avoir contraint à travailler alors qu’il était malade et d’avoir dû réduire le temps passé avec ses enfants. « Cette société est un environnement hostile pour travailler ». Et d’ajouter un peu plus loin « qu’Uber traite ses chauffeurs comme de la m… ».
Le droit social en toile de fond
Si l’action en justice de ce chauffeur paraît franchement en décalage avec les faits qui lui sont reprochés (heureusement que chaque employé mécontent de ses conditions de travail ne se met pas à tuer tout ce qui bouge parce que son employeur n’est pas réglo !), elle remet toutefois en avant la question du droit social des conducteurs qui acceptent de travailler pour la société de VTC.
Le modèle économique d’Uber consiste en effet à faire appel à des automobilistes, professionnels ou amateurs, qui officiellement ne travaillent pas pour Uber mais à leur propre compte. L’entreprise affirme qu’elle ne fait que mettre en relation les entrepreneurs indépendants ou les chauffeurs employés par d’autres sociétés avec des clients qui veulent se déplacer.
De ce fait, ces chauffeurs sont considérés comme des travailleurs indépendants, alors qu’ils sont en fait dépendants des commandes opérées via Uber, et des tarifs imposés par celui-ci, même si les clients d’Uber ne sont pas liés à cette plateforme : ils peuvent très bien utiliser dix plateformes différentes s’ils le souhaitent, et dans la pratique nombreux sont ceux à le faire, offrant de fait une porte de sortie aux conducteurs.
Quoi qu’il en soit, ces conditions de travail paraissent inacceptables pour certains chauffeurs. Ils souhaitent donc pouvoir bénéficier des avantages qui sont prévus pour les salariés, comme la possibilité de percevoir des pourboires et la prise en charge par l’entreprise des frais d’essence et d’entretien du véhicule.
Cette question n’est pas anodine. La preuve : l’automne dernier, trois anciens chauffeurs d’Uber ont déposé plainte en Californie et la justice a accepté le principe de l’ouverture d’un recours collectif qui permet aux automobilistes des différents services Uber de se manifester pour faire reconnaître leur statut d’employé, qui bénéficie d’une meilleure protection du droit du travail.
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