Si les cyberharceleurs harcèlent leur victime, c’est principalement « pour rigoler ». Ce sont les conclusions de l’étude Caisse d’Épargne – Association e-Enfance/3018, qui porte sur les enfants de 8 à 18 ans, dévoilées le mardi 17 octobre 2023. Pendant le mois de juin 2023, l’institut Audirep a interrogé 1 200 familles, donnant la parole aussi bien aux parents qu’aux enfants — et les chiffres qui sont aujourd’hui publiés sont glaçants.
Alors que 67 % des enfants de 8 à 10 ans fréquentent désormais les réseaux sociaux et qu’une famille sur 4 serait confrontée à du cyberharcèlement, 31 % des victimes reconnaissent avoir « pensé au suicide ». Un véritable « fléau sociétal », selon Nicolas Balerna, le directeur banque de détail de la Caisse d’épargne, qui a ouvert la conférence de presse à laquelle assistait Numerama. Un fléau dont il est encore dur de se protéger et qui laisse les parents et les victimes le plus souvent démunis.
Les jeunes harcèlent pour avoir un sentiment d’appartenance
Aujourd’hui, 86 % des enfants de 8 à 18 ans sont inscrits sur les réseaux sociaux, et 67 % des 8-10 ans. YouTube reste le site le plus populaire parmi toutes les tranches d’âge, mais TikTok est dorénavant le 2e réseau social préféré chez les 8-10 ans, alors qu’ils ne sont pas censés avoir accès à l’application (TikTok est interdit aux moins de 13 ans).
Le cyberharcèlement commence très tôt. Plus d’un quart des jeunes interrogés ont répondu en avoir été témoins, et en tout, 24 % des familles ont fait face au moins une fois au cyberharcèlement : 15 % des enfants de primaire sont concernés, 25% des élèves de collège, et 27% des lycéens.
L’étude s’est également intéressée aux harceleurs. Parmi les enfants interrogés, 6 % ont reconnu avoir été auteurs de cyberharcèlement — et, 47 % d’entre eux ont expliqué avoir agi comme cela « pour rigoler ». Les autres raisons citées pour expliquer leurs actions sont « pour faire comme les autres » (à 29 %), « pour se faire accepter » (à 24 %). « Les dynamiques de groupe sont particulièrement présentes chez les mineurs, analyse l’étude, et elles participent à la systémisation des actes de cyberharcèlement. »
Enfin, 10 % des harceleurs ont dit qu’ils agissaient pour se venger — un symbole fort, qui montre que le cyberharcèlement crée une spirale infernale dont il est très dur de s’extraire, entre pression sociale et désire de revanche. « 45 % des victimes ont eu envie de se venger en harcelant à leur tour, un chiffre qui monte jusqu’à 62 % chez les 8-10 ans », précise l’étude.
Une autre statistique révèle un autre aspect du problème : même si 87 % des jeunes auteurs expliquent avoir compris les conséquences de leurs gestes, 30 % d’eux réitèrent tout de même les actes de cyberharcèlement. L’étude n’a pas sondé leurs motivations, ni ce qui les poussait à recommencer.
Enfin, les conséquences du harcèlement pour les victimes sont extrêmement graves : 56 % ont eu des difficultés à parler de ce qui leur était arrivé, 52 % ont vécu des insomnies ou des troubles de l’appétit, 51 % ont rencontré des difficultés scolaires. Enfin, 32 % expliquent avoir failli tomber dans des comportements d’addiction, tels que les jeux, ou l’alcool et la drogue pour les plus vieux — et 31 % reconnaissent avoir pensé au suicide.
Le cyberharcèlement, un phénomène en augmentation ?
L’étude Caisse d’Épargne – Association e-Enfance/3018 souligne bien à quel point la situation est une poudrière. Malgré le rajeunissement de la population sur les réseaux sociaux, les parents s’estiment démunis, sans savoir que faire : 90 % attendent de l’aide et des informations, de la part des écoles, mais aussi des associations.
Il y a également une augmentation du nombre d’appels passés tous les jours au 30 18. « Malheureusement, chaque mois est un nouveau mois record pour le 30 18, avec plus d’appels que le mois précédent », constate Justine Justine Atlan, la directrice d’e-Enfance. Avec une moyenne de 140 appels par jour, « il y a une croissance permanente de nombre de contacts ». Les équipes du 30 18 devraient ainsi gérer une crise suicidaire une fois par jour, un nombre qui a largement augmenté depuis trois ans.
Pour autant, on ne peut pas réellement parler d’une augmentation du nombre d’affaires de cyberharcèlement, rassure-t-elle. « Il ne faut pas déduire qu’il y a plus de cas, mais il y a une plus grande conscience du sujet, et du fait qu’on existe. » D’après l’association, les récentes mesures du gouvernement concernant le cyberharcèlement, et surtout, les suicides récents de deux jeunes victimes de cyberharcèlement, seraient en partie responsables de l’augmentation du nombre d’appels. « Le nombre d’appels qui augmente, on peut se dire que c’est un signe de libération de la parole, et que ce n’est pas que négatif non plus. »
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