Pour ceux qui suivaient déjà les débats parlementaires sur la loi DADVSI en 2005, Christine Boutin reste dans les mémoires comme la députée UMP qui a permis de faire basculer le projet de loi vers la licence globale à la veillée de Noël. C’est elle qui, exaspérée par la volonté du gouvernement de faire voter une loi répressive contre les téléchargeurs, pendant que la France entière emballait ses cadeaux et décorait son sapin, s’est levée de son banc pour venir chuchotter à l’oreille de chacun de ses collègues l’idée d’une rebellion. A l’arrachée, elle parvenait à convaincre suffisamment des députés présents de la majorité pour faire basculer le vote. Par 30 voix contre 28, l’amendement socialiste était adopté, et le projet de loi allait tomber dans un inbroglio procédural jamais vu sous la 5ème République, qui allait permettre de revenir à un projet de loi de pénalisation du P2P. Entre temps, le ministre Nicolas Sarkozy qui préparait sa campagne avait pris le dossier en main depuis la place Beauvau, et remis les troupes en ordre de marche.

Mais selon Christine Boutin, dont les propos sont rapportés par Anne Rovan et Nathalie Segaunes dans « Déjeuners avec des ministres sous pression » (Albin Michel), « dans cette affaire, il s’est fait avoir comme un bleu« . « Il a reçu les artistes en 2006 à l’UMP. Il était tellement content de les avoir autour de lui qu’il les a écoutés« , raconte ainsi Mme Boutin. Laquelle monte d’un ton contre la loi Hadopi, adoptée alors qu’elle était encore au gouvernement et donc astreinte à la solidarité gouvernementale.

Pour elle, Nicolas Sarkozy a été manipulé par les maisons de disques qui ont profité de son appétence pour le clinquant du show-biz. « Les majors, ces fricards, ces salopards, ils savent très bien ce qu’ils font. Ce sont les grandes industries du disque qui ont fait défiler les artistes dans le bureau du président et dans ceux des médias » pour obtenir la loi Hadopi, dit ainsi l’ancienne ministre du logement.

Elle n’est pas plus aimable à l’égard de Jack Lang, le champion de l’absentéisme socialiste, qui s’était fait inviter 4 longues minutes sur TF1 pour défendre un projet de loi qu’il ne connaissait pas. C’est une « vieille barbiche, qui n’y connaît rien« , lâche-t-elle.

Pour avoir rencontré Christine Boutin notamment à l’occasion d’un débat qu’elle organisait à l’Assemblée Nationale sur la société de l’information avant son entrée au gouvernement, nous ne doutons pas une seule minute de ses convictions sur la nécessité de légaliser le P2P, et de le financer par une licence globale. Elle en est profondément convaincue, et a compris l’essentiel des enjeux du respect de la neutralité du net et de la nécessaire adaptation du droit d’auteur à Internet.

Cependant, il est dommage que Mme Boutin ait jugé ses ambitions personnelles plus importantes que ses convictions. On se souvient qu’elle s’est totalement effacée de l’hémicycle lors du retour après putsch de la loi DADVSI au parlement, ayant cédé au chantage aux investitures organisé par Nicolas Sarkozy en prévision des élections législatives. Si l’UMP lui refusait l’investiture, elle était battue. Puis elle a préféré le confort de son ministère, malgré de vives tensions et désaccords (et pas seulement sur la loi Hadopi), plutôt que la défense de ses idées. Dommage.

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