La Commission Européenne a publié une proposition de directive « relative à l’exploitation et aux abus sexuels concernant des enfants à la pédopornographie« , qui vise notamment à faire bloquer l’accès aux sites pédopornographiques en Europe. Elle souhaite ainsi imposer aux parlements nationaux le modèle de la loi Loppsi actuellement débattu en France, qui est déjà expérimenté à Monaco, mais auquel l’Allemagne a récemment renoncé.

Assez mal rédigé, l’article 21 de la proposition de directive (.pdf) impose que « les États membres prennent les mesures nécessaires pour obtenir le blocage de l’accès par les internautes sur leur territoire aux pages internet contenant ou diffusant de la pédopornographie« . Le fait qu’elle ne vise que les « pages internet » limite considérablement son champ d’application, et son efficacité contre les réseaux pédopocriminels qui utilisent depuis longtemps d’autres moyens que les pages web pour s’échanger des contenus. Par ailleurs, la formulation n’est pas très claire, entre l’obligation de moyens (« prennent les mesures nécessaires ») et l’obligation de résultat (« obtenir le blocage »).

Le projet de directive prend toutefois soin d’ajouter immédiatement que « des garanties appropriées sont prévues, notamment pour faire en sorte que le blocage de l’accès soit limité au strict nécessaire, que les utilisateurs soient informés de la raison de ce blocage et que les fournisseurs de contenu soient informés autant que possible de la possibilité de le contester« . En principe, l’expression « garanties appropriées » doit assurer le recours préalable au juge, comme l’a imposé en France le Parlement. Mais les Etats membres auront une certaine flexibilité d’interprétation, en fonction de leur propre constitution.

Révélateur d’une certaine philosophie politique, le deuxième alinéa de l’article 21 dispose que « les États membres prennent les mesures nécessaires pour obtenir la suppression des pages internet contenant ou diffusant de la pédopornographie« , mais précise que ces mesures doivent être prises « sans préjudice » du blocage. C’est-à-dire que le blocage des contenus n’est plus le dernier recours en cas d’échec dans la demande de suppression des contenus, mais bien une mesure complémentaire immédiate, ce qui est contraire à la subsidiarité imposée par la directive sur le commerce électronique.

Il s’agit d’un étrange acharnement à exiger le blocage des sites Internet, alors que des études ont démontré en Allemagne que les demandes de retrait étaient efficaces et rapides dans l’énorme majorité des cas, et que par ailleurs les risques que le filtrage encourage la pédocriminalité ne sont pas négligeables.

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