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La semaine dernière avait lieu la Paris Games Week, le plus grand salon français dédié aux jeux vidéo, et sa cohorte d’articles habituellement publiés pour l’occasion : les records de fréquentation, les interviews d’ados prêt·es à faire la queue des heures pour tester quelques minutes les titres phares de l’évènement, leurs parents éplorés, etc. On a aussi vu émerger des thématiques de société, comme celui du dérèglement climatique (des militants et militantes écolos ont perturbé un tournoi d’esport) ou de la place des femmes dans l’industrie vidéoludique. Sur ce dernier sujet, le ton était un peu plus enjoué que d’habitude. Le SNJV, le syndicat des entreprises du jeu vidéo, s’est félicité dans son baromètre annuel qu’un salarié sur quatre (24%) des studios français était désormais une femme, soit une hausse de dix points en quatre ans.
L’information a été reprise dans les médias d’une manière positive. Sauf chez Libération, qui souligne que la (lente) féminisation des métiers du jeu vidéo ne doit pas faire oublier les autres problèmes : c’est une industrie qui emploie une majorité de personnes jeunes, hautement qualifiés et qualifiées mais mal payés, soumis à des cadences infernales, qui ont tendance à quitter le milieu assez vite. « Évidemment, c’est une bonne nouvelle de voir l’industrie du jeu vidéo se féminiser. Mais on aurait aimé également entendre le SNJV et le Sell [autre syndicat qui représente les éditeurs de logiciels, NDLR] au lendemain des affaires de harcèlement moral et sexuel à Ubisoft », écrit le journaliste Marius Chapuis. « On aimerait les entendre tout court, sur l’état du jeu vidéo aujourd’hui », dont les entreprises licencient à tour de bras dans le monde depuis plusieurs mois.
Tout doit aller vite, fort, être performant, dominant, donc masculin
Même si j’écris davantage sur l’industrie des nouvelles technologies que celle des jeux vidéo, je suis parfois frappée par leurs enjeux communs. Honnêtement, j’aurais pu signer un édito similaire (et j’aurais dû !) à propos de ces moult études sur la place des femmes dans les startups ou les métiers de l’informatique. Je partage le même malaise face à des entreprises qui récupèrent à leur avantage les sujets du féminisme et de l’inclusion, les vident complètement de sens, voire s’en servent d’excuse pour ignorer leurs responsabilités. Il y a deux ans, je vous racontais déjà les débats sur la figure de la girlboss, d’abord admirée, puis critiquée pour son incarnation d’une industrie qui préfère célébrer les exceptions très privilégiées plutôt que de se remettre en question en profondeur.
Car il est plus simple de faire croire qu’un problème est individuel (les femmes n’oseraient pas aller vers certaines carrières, celles qui dépassent leur supposé syndrome de l’impostrice sont rares et admirables) que d’admettre qu’il est systémique. Il est plus simple aussi pour les médias de relayer des chiffres (certes en hausse, mais encore loin de la parité) que d’enquêter sur les réalités des milieux qui rejettent encore les femmes à cause de leur culture sexiste et de leur organisation excluante, dédiée à l’hypercroissance. Tout doit aller vite, fort, être performant, dominant, donc masculin.
C’est une réflexion qu’on peut avoir en dehors des entreprises. Et Ta Cause, marathon caritatif et féministe sur Twitch, dont la troisième édition s’est tenue ce week-end, revendique par exemple une approche plus intimiste et modeste que d’autres « stream évènements », où les records d’audience vont souvent de pair avec une ambiance délétère et toxique.
Quelques rares studios de jeux vidéo s’essaient aussi à l’organisation en coopératives, pour mieux répartir les rapports de force. Même si elles ne fonctionnent pas toujours, c’est ce genre d’expérimentations qui m’intéressent aujourd’hui, en tant que journaliste, joueuse et meuf, plus que les exercices comptables. Si on ne propose pas de nouveaux modèles de production et de médiatisation, à quoi bon compter les femmes ?
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