Les sénateurs ont adopté mercredi une disposition du projet de loi de réforme pénale qui permet d’accéder « en tous lieux » aux e-mails et autres messages stockés sur un système informatique, et de les copier sans limite, dès lors qu’une enquête est ouverte pour une infraction pénale en bande organisée.

Lors de l’examen du projet de loi de réforme pénale mercredi, les sénateurs ont adopté la  une modification du texte effectuée la semaine dernière en commission des lois, qui permettra aux enquêteurs d’accéder aux e-mails et autres messages privés stockés sur les serveurs de Cloud, sans que le suspect n’en soit informé, et donc sans qu’il puisse s’y opposer.

L’article 1er bis adopté dispose que « si les nécessités de l’enquête relative à [une infraction pénale en bande organisée] l’exigent, le juge des libertés et de la détention peut, à la requête du procureur de la République, autoriser par ordonnance motivée les officiers et agents de police judiciaire requis par le procureur de la République à accéder, en tous lieux, aux correspondances numériques émises, reçues ou stockées sur une adresse électronique ».

En tous lieux, c’est-à-dire y compris auprès des entreprises qui hébergent ces données, comme Google (Gmail), Facebook (vous avez tous même sans le savoir une adresse @facebook.com), Yahoo, etc. Le Sénat a également modifié le texte, pour l’étendre explicitement à tous les messages électroniques de toute nature. « La saisie peut concerner une adresse email ou un identifiant informatique afin de tenir compte du fait que les échanges interviennent pour une large part via des application telles que Whatsapp ou Skype », a expliqué Michel Mercier, le rapporteur de la commission des lois.

Il sera possible pour les enquêteurs de poursuivre pour tout autre infraction pénale qui serait révélée par les e-mails découverts

Le texte précise que « les données auxquelles il aura été permis d’accéder peuvent être saisies et enregistrées ou copiées sur tout support », mais ne prévoit aucune durée limite de conservation et d’exploitation. Il ne dit pas non plus jusqu’à quand les enquêteurs peuvent remonter dans l’histoire d’un suspect.

Jean-Jacques Urvoas, ministre de la Justice, au Sénat.

Jean-Jacques Urvoas, ministre de la Justice, au Sénat.

L’article prévient par ailleurs que même si ça ne doit pas être l’objectif, « le fait que les opérations prévues au présent article révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision du magistrat qui les a autorisées ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes ». La technique du filet dérivant validée par la Cour de cassation dans l’affaire des écoutes de Nicolas Sarkozy pourra donc s’appliquer. Il sera possible pour les enquêteurs de déclencher une enquête pour un délit ou un crime en bande organisée, et de poursuivre pour tout autre infraction pénale qui serait révélée par les e-mails découverts.

« Le gouvernement a évolué et comprend le souhait du législateur »

Jusqu’à cette version amendée par le Sénat, le projet de loi permettait aux enquêteurs d’installer des mouchards sur les ordinateurs des suspects pour lire les e-mails reçus ou envoyés, mais pas pour accéder aux archives stockées sur place ou à distance. On peut capter le temps présent, mais pas revenir dans le passé.

Lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, le député Yann Gallut (PS) avait proposé une disposition à visée similaire, mais elle avait finalement été retirée, à la demande du gouvernement.

Mais mercredi, le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas a admis une évolution de sa réflexion. « Initialement, c’est vrai que le gouvernement n’estimait pas nécessaire de créer un régime de perquisition administrative de données informatiques », a-t-il raconté, en expliquant que le recours aux mouchards lui semblait suffisant. « Mais le recours à ces logiciels étant coûteux et complexe, le gouvernement a évolué et comprend le souhait du législateur ».

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