En début d’année, nous avions raconté l’histoire ubuesque de Paul Chambers, ce Britannique placé en garde à vue parce qu’il avait publié sur Twitter une mauvaise blague. Retiré de tout contexte et lu au premier degré avec l’esprit du plus insensibles des technnocrates, son message pouvait laisser penser qu’il allait déposer une bombe à l’aéroport Robin Hood de Doncaster-Sheffield. Agacé par les retards causés par la neige alors qu’il devait prendre un avion pour rejoindre une amie, l’homme avait prévenu l’aéroport à travers ses quelques 600 followers : « Vous avez un peu plus d’une semaine pour mettre de l’ordre dans votre merdier, autrement je fais exploser cet aéroport« .
Cette blague de mauvais goût lui avait valu d’être arrêté au titre des lois anti-terroristes britanniques. Il s’était fait confisquer ses iPhone, ordinateur portable et ordinateur de bureau, puis il avait été libéré sous caution. Nous pensions que l’histoire s’était arrêtée là, tant il avait paru évident dès la garde à vue que l’homme n’était pas un dangereux terroriste, mais juste un plaisantin un peu maladroit.
Le Telegraph nous apprend cependant que le jeune homme de 26 ans a bien été jugé, et condamné au titre d’une loi sur les communications de 2003, qui interdit de publier des menaces. Sa peine est légère, puisqu’il devra payer une amende de 385 livres sterling, 15 livres de dommages et intérêts, et 600 livres de frais judiciaires. Mais son arrestation et le procès qui a suivi lui a surtout fait perdre son travail.
Lors des auditions, un employé de l’aéroport a expliqué qu’il avait vu le message en cherchant Robin Hood Airport sur le moteur de recherche de Twitter. Il a alors alerté le chef de la sécurité, qui a tout de suite classé le danger comme « non crédible », mais qui s’est senti l’obligation d’alerter les services de la police anti-terroriste. Le message du prévenu n’avait rien changé aux opérations habituelles de l’aéroport.
« Il a été demandé à Chambers s’il comprenait que l’aéroport devait prendre au sérieux les menaces, quel que soit le contexte« , raconte le Telegraph. « Maintenant oui, je le comprends« , aurait répondu Chambers. « Je m’excuse pour toutes les conséquences que ça a pu avoir mais à ce moment-là ça n’était pas du tout mon intention« .
Mais non, toutes les prétendues « menaces » ne sont pas à prendre au sérieux ! En commentant cette actualité en début d’année, nous y avions vu la victoire du terrorisme. Nous pouvons terminer avec exactement la même conclusion et le même sentiment que la peur l’emporte sur la démocratie :
Avec les réseaux sociaux où beaucoup de nos mauvaises blagues deviennent publiques, ce genre d’interpellation pose question sur le respect de la liberté d’expression. Mais plus globalement, n’est-ce pas totalement contreproductif dans la lutte contre le terrorisme ?
Le terrorisme fait beaucoup moins de morts qu’il ne fait de paranoïaques. C’est l’origine-même du mot « terrorisme », et son objectif : qui cherche à faire peur.
Les terroristes auront gagné lorsque les démocraties qu’ils entendent apeurer se mettront à suspecter tous leurs citoyens. « Celui qui est prêt à sacrifier un peu de sa liberté pour plus de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux« , disait Benjamin Franklin.
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