L’accès à un internet non filtré par les gouvernements est-il d’abord une question de respect des Droits de l’Homme, ou une question de respect des règles du commerce international ? En visite en Chine, la vice-présidente de la Commission Européenne Neelie Kroes, en charge de la société de l’information, a estimé que la grande muraille virtuelle chinoise était une barrière commerciale destinée à protéger les entreprises locales. Elle souhaite que l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) se saisisse du problème.
Neelie Kroes, qui était auparavant commissaire en charge de la concurrence, s’est exprimé à ce sujet dans les locaux de Tudou, un concurrent chinois de YouTube. Mais la concurrence n’est pas très compliquée, puisque YouTube est bloqué en Chine, comme la plupart des sites occidentaux les plus populaires, y compris Facebook, Twitter, et même certains jeux vidéo. Avec toujours l’idée de favoriser des alternatives locales et filtrées.
Depuis 2008, tous les sites de partage de vidéos en Chine doivent avoir reçu une homologation de l’Etat pour exercer. Ils s’engagent à bloquer tout contenu pornographique, violent ou qui présente « une menace pour la sécurité nationale« , ce qui est très large dans l’esprit des autorités chinoises. Les sites qui ne sont pas homologués sont bloqués. C’est le même schéma qui a été adopté en France, pour le moment exclusivement pour les sites de jeux d’argent en ligne.
L’idée de faire appel à l’OMC pour qu’il déclare illicites les filtres qui bloquent l’accès aux sites étrangers n’est pas nouvelle. Le Centre Européen pour l’Economie Politique Internationale (ECIPE) l’avait suggéré l’an dernier dans un rapport sur le « protectionnisme en ligne ». Les Etats-Unis eux-mêmes ont tenté par le passé d’obtenir des sanctions de l’OMC contre la Chine, mais l’Organisation avait estimé que la Chine avait le droit de censurer les contenus sur le web pour préserver le respect de ses lois nationales.
Dans une tribune publiée ce mois-ci dans Le Monde et reprise quelques jours plus tard dans le New York Times, le ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner a lui aussi plaidé contre la censure du net. Mais sur le motif du respect des droits de l’Homme, en particulier de la liberté d’expression. Ne comptant pas sur l’OMC, il a souhaité « la création d’un instrument qui permettrait, à un niveau international, de suivre les engagements pris par les Etats et de les interpeller quand ils manquent à leur parole« . Il avait cependant, en début d’année, refusé de condamner la censure du web en Chine.
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