« Ceux qui nous frappent utilisent le Darknet », déclarait récemment Bernard Cazeneuve, quelques heures après les attentats qui ont frappé Bruxelles. Mais selon des travaux réalisés par le Département des études militaires du très prestigieux King’s College du Londres, l’affirmation serait très loin d’être avérée par une étude réelle du contenu des sites hébergés derrière des relais Tor.
Le doctorant Daniel Moore et le professeur Thomas Rid ont en effet publié dans la revue Survival: Global Politics and Strategy une étude qui met très fortement en doute la présence massive de contenus de propagande terroriste sur Tor.
« Une quasi-absence d’extrémisme islamique sur les services cachés derrière Tor, avec moins d’une poignée de sites actifs »
Pour le vérifier, les chercheurs ont mis au point un robot d’indexation (crawler) qu’ils ont d’abord nourri avec 5 615 adresses uniques en .onion référencées sur des annuaires du prétendu « Dark Web » ou « Dark Net », avant de lui laisser parcourir toutes les pages rencontrées de liens en liens. Au total, ils ont pu collecter environ 300 000 adresses de pages accessibles via le réseau Tor, dont 205 000 pages uniques, réparties dans un peu de 5 000 sites.
Par ailleurs, ils ont réalisé une taxonomie automatisée des pages rencontrées, pour classer les sites en 12 catégories principales (drogues, finances, hacking, pornographie illégale, violence…), dont une catégorie « extrémisme », qui regroupe tous les sites dont les contenus « épousent des idéologies extrémistes, y compris des textes idéologiques, des expressions de soutien à la violence terroriste, des guides pratiques pour les militants, et des forums de communautés extrémistes ». Ce classement automatisé réalisé par des techniques d’apprentissage-machine était ensuite vérifié manuellement, pour s’assurer de sa fiabilité.
Or, sur les 5 205 sites en .onion parcourus, seuls 140 ont pu être classés parmi les sites extrémistes (et, accessoirement, 1 547 sont classés comme illégaux). Les chercheurs parlent même d’une « quasi-absence d’extrémisme islamique sur les services cachés derrière Tor, avec moins d’une poignée de sites actifs ».
« Les djihadistes tendent à utiliser l’internet pour au moins deux objectifs généraux : les activités publiques (propagande, recrutement et partage de conseils), et des activités non-publiques (communication interne, et commande et contrôle) », écrivent Moore et Rid. « La propagande sur le Darknet est relativement limitée, parce que les novices peuvent être dissuadés de commencer par une étape ”illicite” dès le début, plutôt que d’utiliser Google. Les services cachés, d’autre part, ne sont souvent pas stables ou suffisamment accessibles pour être des moyens de communication efficaces ; d’autres plateformes semblent remplir leurs besoins de communication de façon plus élégante ».
En revanche, les chercheurs reconnaissent que Tor est souvent utilisé par les apprentis djihadistes pour conserver leur anonymat lorsqu’ils naviguent sur le web de monsieur-tout-le-monde, en dissimilant leur adresse IP réelle.
Et bien sûr, d’aucuns seront tentés de dire que les autres activités criminelles détectées par les chercheurs (ventes de drogues, d’armes, de services de blanchiment d’argent, etc.), financent directement ou indirectement le terrorisme. Mais en tant qu’outil de propagande ou de coordination, Tor serait extrêmement marginal.
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