Il y a dix ans, l’industrie musicale américaine avait trouvé que c’était une bonne idée de poursuivre Napster en justice pour éviter que les internautes utilisent le réseau P2P pour partager des fichiers MP3. Elle a refusé toute collaboration commerciale et obtenu une victoire judiciaire contre la société fondée par Shawn Fanning. Mais elle a fait naître immédiatement des alternatives plus efficaces que Napster (cette fois totalement décentralisées) comme Kazaa, Audiogalaxy, Grokster, Blubster, eDonkey… Elle a poursuivi chacune des sociétés éditrices des logiciels et obtenu là aussi des victoires judiciaires. Mais elle a fait naître immédiatement des alternatives plus efficaces encore, cette fois open-source et sans aucun leader contre qui porter plainte, comme eMule ou BitTorrent.

En septembre 2003, l’association américaine des maisons de disques, la célèbre RIAA, a donc changé de stratégie. Elle a trouvé que c’était une meilleur idée d’attaquer en justice les internautes, et donc ses propres clients. Elle a commencé à collecter massivement des adresses IP sur les réseaux P2P et à envoyer des lettres de menace par dizaine de milliers aux internautes suspectés de piratage. Elle avait même mis en place une véritable plateforme e-commerce pour traiter les règlements amiables des pirates présumés qui acceptaient de payer pour éviter d’être convoqué au tribunal.

Finalement la stratégie n’a pas eu véritablement d’effet sur le piratage, toujours aussi massif. Elle a cependant tourné au désastre médiatique pour l’image des maisons de disques, la RIAA ayant poursuivi la famille d’un internaute décédé, une grand mère accusée de télécharger du rap, une jeune fille de 13 ans, et finalement ruiné une mère célibataire dans une condamnation aussi lourde que jugée unanimement scandaleuse. Un homme a également été condamné à payer 675.000 dollars parce qu’il avait partagé 30 chansons. Tout ça pour de la musique ?

La RIAA a donc décidé fin 2008 de ne plus poursuivre les internautes en justice. Elle avait déjà largement levé le pied depuis de nombreux mois. Maintenant, elle trouve que c’est une bonne idée de leur bloquer l’accès à Internet, en poussant les FAI américains à l’adoption d’un système de riposte graduée à la française, qui ne fera que pousser à l’adoption de solutions sécurisées

L’arrêt des poursuites entamées par la RIAA doit en tout cas soulager l’administration judiciaire américaine, qui a publié des statistiques sur le nombre de procès en violations de droits d’auteur initiés chaque année depuis 1993. On constate que le niveau est relativement constant, sauf dans les quelques années où la RIAA a déchaîné sa colère… Dommage que des studios de cinéma indépendants imitent aujourd’hui sa stratégie.

(Source : Wired)

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