Les décisions de justice favorables aux internautes se suivent et se ressemblent en Espagne. Soutenu par une jurisprudence très claire depuis 2006, un tribunal vient de rejeter les accusations portées à l’encontre de quatre Espagnols, tous administrateurs d’un même site web proposant des liens BitTorrent.

Voilà qui va sans aucun doute susciter l’ire des États-Unis, en froid avec l’Espagne pour sa trop grande permissivité en matière de partage de fichiers et de droits d’auteur. En effet, la justice espagnole a une fois encore refusé de condamner quatre internautes accusés de pirater des contenus protégés par le droit d’auteur via les réseaux peer-to-peer. Appliquant une jurisprudence constante depuis 2006, les trois juges ont à nouveau considéré que le partage de fichiers sans but lucratif n’est pas illégal.

En l’espèce pourtant, les choses auraient pu se compliquer très nettement. Car il n’était pas question ici de quatre simples internautes occupés à récupérer le dernier blockbuster hollywoodien, mais bien de quatre administrateurs d’un site web (cvcdgo.com) proposant des liens BitTorrent pour télécharger des contenus aussi divers que variés (films, séries TV, musique, jeux vidéo…). À un détail près cependant : les fichiers recensés n’étaient pas hébergés par les serveurs du site, et les revenus publicitaires n’allaient pas dans la poche des quatre internautes.

Pourtant, comme le rappelle Torrentfreak, cela n’a pas empêché les ayants droit (dont Columbia Tristar et la société de gestion de droits d’auteur locale Egeda) de monter en 2005 une vaste opération à travers tout le pays pour retrouver les quatre internautes et mettre un terme aux activités du site dont les serveurs étaient localisés à San Diego, aux USA. Soutenus par les autorités et la police, les quatre Espagnols, âgés entre 27 et 37 ans, ont finalement été arrêtés.

Alors que les ayants droit espéraient sans doute une procédure rapide pour une condamnation exemplaire, ils ont dû composer avec une justice mûe par son propre rythme. Au final, l’affaire a trainé en longueur, avec un dénouement heureux pour les quatre suspects. En effet, les trois juges chargés du dossier ont conclu qu’il n’y avait pas eu d’infraction, allant jusqu’à dresser un parallèle entre la nature du P2P et le très classique prêt de livres entre amis.

Comme de nombreuses autres affaires du même acabit, le tribunal a estimé que dans la mesure où aucun fichier incriminé n’était hébergé par les serveurs des responsables, il était difficile de tenir les quatre administrateurs responsables. De plus, le tribunal a constaté que les autre accusés n’avaient pas profité du piratage de fichiers sous droit d’auteur pour s’enrichir d’une façon ou d’une autre. Dès lors, la présence de contenus publicitaires sur le site n’était pas problématique.

Le verdict rendu par les juges Ocariz, Gutierrez et Campillo indique par ailleurs qu' »à d’autres époques, il y avait des pratiques comme le prêt ou la vente de livres, de films ou encore de musique. La différence réside désormais principalement dans le support utilisé – Auparavant, il était question de papier et aujourd’hui tout est dans un format numérique, format qui permet un échange beaucoup plus rapide, de meilleure qualité et avec une dimension internationale à travers Internet« .

Cette affaire vient se rajouter à la longue liste des décisions précédentes en faveur d’un usage non-marchand des réseaux peer-to-peer. Ces dernières années, les internautes espagnols ont pu constater la grande protection qu’offrait leur justice. Citons ainsi le jugement d’un magistrat espagnol légalisant le partage via P2P, l’opposition des opérateurs et de certaines personnalités politiques espagnoles et européennes au principe de la riposte graduée. Sans parler du projet gouvernemental de faire de l’accès à Internet en haut-débit un droit.

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