Nestlé a décidé de porter plainte en France contre la société américaine Sara Lee, qui commercialise des capsules compatibles avec ses cafetières Nespresso.

Nous avons déjà plusieurs fois parlé du modèle économique de Nespresso, qui nous semble symbolique d’une dérive de la propriété intellectuelle, exploitée non pas pour encourager l’innovation mais pour contrôler le consommateur. La filiale de Nestlé livre avec son café propriétaire un combat qui ressemble à celui de certains industriels de l’informatique comme Apple, contre l’interopérabilité et le logiciel libre. Au mois de mars dernier, nous avions ainsi rapporté le fait que le DRM juridique des cafetières Nespresso avait été cassé par Ethical Coffee Compagny, qui affirmait avoir trouvé des failles dans les brevets de Nestlé pour commercialiser ses propres capsules compatibles Nespresso.

Or nous n’avions pas vu qu’une autre société française, Sara Lee (propriétaire de « Maison du Café »), avait elle aussi annoncé dans le même temps la commercialisation de capsules de café utilisables avec les cafetières Nespresso. Avec apparemment moins de précautions, puisque Nestlé vient de porter plainte en France contre son concurrent pour lui interdire de proposer aux consommateurs des capsules qu’ils peuvent insérer dans leurs machines à espresso. Elle lui reproche une violation de ses brevets, et s’affiche décidée à prendre « toutes les mesures appropriées pour défendre nos droits de propriété intellectuelle quand ceux-ci sont violés« . Ethical Coffee Company, elle, a semble-t-il été laissée en paix.

Mais interrogé par l’agence de presse Reuters, un analyste fait froid dans le dos :

Pour les analystes, la réaction de Nestlé est logique. « Ils cherchent à protéger leurs droits, ce qui va devenir plus important à l’avenir que les matières elles-mêmes dans la bataille pour l’alimentation« , explique Jon Cox, analyste chez Kepler Capital Markets.

S’agissant de capsules de café à destination des riches consommateurs des pays occidentaux, ça n’est pas bien grave. Mais la question de l’appropriation de l’alimentation par la défense de droits de propriété intellectuelle est un véritable danger, beaucoup plus grave lorsqu’il touche la brevetabilité des aliments eux-mêmes.

La semaine dernière, un article de AllAfrica pointait par exemple du doigt le rôle méconnu de la fondation humanitaire de Bill Gates, qui pousse les agriculteurs africains à adopter des cultures sous OGM, donc sujets à des droits de propriété intellectuelle qui interdisent aux cultivateurs de semer sans payer de droits.

Dans sa grande générosité, le leader mondial de la biotechnologie végétale Monsanto a fait « don » le mois dernier de 60 tonnes de semences de maïs hybride et de cultures potagères aux populations victimes du tremblement de terre à Haïti. Mais sentant que le généreux cadeau pouvait se refermer ensuite sur eux les années suivantes, des agriculteurs haïtiens ont préféré s’engager à brûler les sacs. Même s’il ne s’agit pas d’OGM, les maïs hybrides obligent le paysan à acheter chaque année de nouvelles semences pour ne pas perdre sa qualité de production, et nécessitent un apport plus important d’engrais, que commercialise Monsanto.

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