Depuis plus de dix ans que l’industrie du disque et du cinéma cherche à imposer aux consommateurs des systèmes de gestion de droits numériques (DRM), pour empêcher leurs clients de diffuser sur Internet ou auprès de leurs amis des copies des œuvres qu’ils achètent, nous voyons régulièrement surgir de nouvelles promesses de succès. « Cette fois c’est sûr, on va y arriver ». A chaque fois ce fut un échec patent, à l’instar des consortiums Marlin (HP, Sony, Philips, Samsung, Matsushita…), ou DECE (Sony, Microsoft, HP, Cisco, Philips, Intel, Toshiba et Verisign…). Difficile d’imposer un standard de DRM interopérable lorsque le premier acteur du marché, Apple, préfère jouer en solo avec son propre DRM FairPlay.
Il faut cependant noter l’initiative de l’IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers), la plus large organisation industrielle au monde qui compte 375.000 membres et joue un rôle clé dans l’établissement de normes adoptées par toute l’industrie. C’est lui notamment qui fixe les spécifications des différentes normes de WiFi, ou qui a définit les spécifications du port FireWire.
L’IEEE tiendra le 14 juillet prochain à Santa Clara une première réunion de son groupe de travail P1817, sur l’établissement d’un standard pour la « Propriété Personnelle Numérique« . Il s’agit d’une proposition de standard de DRM qui vise à redonner aux objets dématérialisés les propriétés des objets physiques dans l’univers numérique, pour protéger les films, la musique, les livres ou les jeux vidéo.
Les détails sont encore sommaires, mais l’idée du P1817 est de séparer le contenu de la clé qui permet d’y accéder. Seul celui qui possède la clé peut lire le contenu, inscrit dans un format ouvert. Le film ou l’album est stocké dans un dossier chiffré, et peut être copié à volonté sur n’importe quel support, autant de fois que l’on le souhaite. Mais le contenu ne peut être déchiffré qu’avec la clé, qui est stockée séparément, soit sur un appareil (ordinateur, baladeur, téléphone, routeur…), soit dans un coffre fort numérique.
La clé ne peut pas être dupliquée, mais elle peut être transférée d’un appareil à un autre, ou sous la forme d’un lien vers le coffre numérique. Ceux qui ont accès à la clé peuvent décider de la stocker dans leur propre coffre fort ou appareil, privant ainsi les autres de lecture du contenu chiffré.
L’idée du groupe de travail est de responsabiliser le consommateur, qui sera incité à ne donner la clé au contenu qu’il acheté qu’à des personnes de confiance, et non à n’importe quel inconnu sur les réseaux P2P ou les forums. Puisque dans « la vraie vie » vous ne prêtez vos DVD ou vos livres qu’à des personnes que vous connaissez et dont vous pensez qu’ils vous les rendront, pourquoi faire autrement sur Internet ? « La disponibilité et la mobilité de la clé vous laisse partager électroniquement, prêter, emprunter, donner, prendre, et revendre la propriété numérique, comme vous le feriez avec vos possessions physiques« , explique le groupe P1817. « Et puisque les clés restent singulières, uniques, et protégées de toute contrefaçon, les titulaires de droits sauront que votre partage restera une affaire privée, non publique« .
Sur le papier, c’est bien pensé. En pratique, ça ne fonctionnera probablement jamais. Pour des raisons techniques qui font que tout contenu peut être copié, et qu’aucun DRM n’est infaillible, mais surtout pour des raisons plus fondamentales. Le partage à des inconnus fait partie intégrante de l’univers numérique. Toute initiative qui ne prend pas en compte cette réalité est vouée à l’échec.
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