Jusqu’à présent, le principe de la neutralité du net s’est surtout manifesté à travers le rôle que doivent jouer les opérateurs télécoms sur le réseau. En effet, dans la mesure où ce sont ces sociétés-là qui ont la main sur les tuyaux, c’est évidemment vers eux que tous les yeux se tournent dès que ce sujet est abordé.
Ces derniers mois, la problématique de la neutralité du net a d’ailleurs déclenché des débats et des consultations publiques des deux côtés de l’Atlantique, aussi bien aux États-Unis avec la FCC qu’en France avec le secrétariat à l’économie numérique. Et si ce débat est souvent l’occasion d’une passe d’armes entre opérateurs et fournisseurs, Microsoft a récemment élargi la question aux moteurs de recherche. À raison ?
Selon Sara Jerome du Hillicon Valley, le directeur juridique chez Microsoft, Brad Smith, a évoqué la question de la neutralité des résultats des moteurs de recherche. Une intervention qui peut sembler assez éloignée de la problématique actuelle, mais qui revêt visiblement une certaine importance pour Redmond.
« La véritable menace dans le contrôle des contenus n’est pas du côté d’hypothétiques fournisseurs d’accès orwelliens, c’est la recherche » a-t-il estimé, dans des propos rapportés par Hillicon Valley. « Où se trouve le lieu le moins concurrentiel ? Dans la recherche ! » a-t-il lancé.
Cette question peut surprendre. A priori, la notion de neutralité des résultats laisse entendre que les moteurs de recherche ne doivent pas favoriser certains contenus, y compris le leur. Or, les fournisseurs d’accès à Internet estiment que la FCC doit aussi réglementer si nécessaire l’activité de la recherche sur Internet. Surtout si en plus de ce travail, la société propose également du contenu.
Dans le genre, rappelons que Google est propriétaire (entre autres) de YouTube, et qu’il pourrait avoir tout intérêt à mettre en avant des liens menant vers sa plate-forme vidéo, au détriment d’autres hébergeurs comme Dailymotion ou Vimeo par exemple. Et la question peut techniquement se poser pour d’autres domaines, comme la numérisation des ouvrages littéraires, puisque la firme américaine a signé de nombreux contrats avec des bibliothèques du monde entier.
Pour Mike Masnick, de Techdirt, la question n’a pas de sens. « C’est ridicule à tellement de niveaux qu’il est diffiile de savoir par où commencer. Tout d’abord, la « neutralité des résultats » n’est pas un problème puisqu’elle n’a aucun sens. Le point essentiel est justement qu’il ne doit pas y avoir de neutralité, dans la mesure où le moteur doit recommander quels sites sont les plus à mêmes de répondre à votre requête. […] Dans le cas contraire, ce serait une liste éparse de liens non triés et totalement inutiles« .
La question mérite pourtant qu’on s’y arrête. Comme le faire remarquer Mike, les dernières enquêtes sur le marché des moteurs de recherche montrent que Google contrôle peu ou prou 85 % du secteur. Chaque décision prise par Google a donc un impact majeur sur l’ensemble de la recherche sur Internet. Et si certaines décisions ne posent aucun problème de fond, comme la récente mise à jour de l’index de Google avec Caffeine, d’autres, sous couvert de bonnes intentions, sont à prendre avec des pincettes.
En effet, en novembre dernier nous avions rapporté les propos d’un responsable de Mountain View, qui expliquait que le moteur de recherche envisageait de favoriser dans ses résultats les sites qui offrent la plus grande vitesse d’affichage de leurs pages. Dis comme ça, cela semble être une excellente mesure pour les internautes. Les résultats les plus rapides arriveraient en premier.
Sauf que nous avions considéré qu’une telle décision entrainerait une modification non négligeable du principe de la neutralité des résultats, au sens où ce sont les résultats les plus pertinents qui sont proposés en premier. Certes, cette neutralité des résultats n’est pas dans une très grande forme : Google et ses concurrents filtrent déjà de nombreux résultats pour écarter les sites manifestement illicites ou suite à la demande de tiers.
Or, cela pourrait exclure durablement les sites de moindre envergure, les blogueurs et toutes les plates-formes ne disposant pas des ressources suffisantes pour investir massivement dans de la bande-passante ou dans de nouveaux serveurs. Seuls les grands groupes pourraient profiter de cette mesure, incontestablement mieux équipés et soutenus par une cohorte de techniciens, d’ingénieurs et de développeurs.
S’il faut bien évidemment encourager la fluidité d’exécution du web, ce critère ne doit pas être déterminant dans la hiérarchisation des résultats d’une requête. Seule le paramètre de la pertinence devrait être pris en compte, pour que chacun ait en théorie la même chance d’apparaitre dans les toutes premières pages du moteur de recherche.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Abonnez-vous gratuitement à Artificielles, notre newsletter sur l’IA, conçue par des IA, vérifiée par Numerama !