C’est une affaire qui relance avec force le débat sur la liberté de panorama, qui n’est pas imposée par le droit européen. En Suède, la cour suprême vient de trancher en début de semaine en faveur d’une association chargée de défendre le droit d’auteur des artistes graphiques et plastiques, BUS, dans le cadre d’un procès contre la fondation Wikimédia, qui s’occupe principalement de la célèbre encyclopédie en ligne Wikipédia.
En la matière, l’association BUS poursuivait la branche suédoise de Wikimédia pour avoir reproduit et diffusé gratuitement sur Wikipédia — et les autres projets de la fondation, à l’image de la médiathèque libre Wikimedia Commons — des photographies montrant des œuvres d’art de ses membres, sans leur consentement. Et cela, même si ces clichés ont été réalisés au sein de l’espace public.
En droit, la liberté de panorama désigne une exception au droit d’auteur qui consiste à autoriser d’office le partage de photos ou de vidéos de monuments ou de sculptures se trouvant dans l’espace public, sans avoir donc à craindre de représailles de la part des titulaires de droits.
Dans cette affaire, rapporte le Guardian, la cour suprême suédoise a apporté une distinction entre les particuliers qui sont autorisés à prendre une photographie d’une œuvre visible dans l’espace publique, et le fait de regrouper ces clichés dans une base de données gratuite et à l’usage illimité, y compris à titre commercial. « C’est une question complètement différente », a commenté la plus haute juridiction du pays.
La cour suprême établit une distinction entre un simple particulier et la base de données de Wikimédia
Pour les magistrats, cette base de données a « une valeur commerciale non négligeable » et les artistes ont droit d’en profiter. Il reste maintenant à fixer le montant que la fondation va devoir payer à BUS en guise d’indemnisation. Ce sera à un tribunal de Stockholm de s’en charger, à une date ultérieure. De son côté, la branche suédoise de Wikimédia n’a pas caché sa déception à l’énoncé de l’arrêt.
« La décision de la cour suprême suédoise démontre que nous avons une législation sur le droit d’auteur qui est en retard et insuffisante face à la réalité numérique dans laquelle nous vivons tous aujourd’hui », écrit-elle, faisant écho à la fameuse citation de Nicholas Negroponte, un professeur et chercheur au MIT, disant que « la majorité des lois ont été conçues pour et dans un monde d’atomes, non de bits ».
Une liberté en débat en France
En France, la question de la liberté de panorama fait aussi l’objet de discussions au sein de la représentation nationale. Fin janvier, les députés ont ainsi imposé la reconnaissance d’un tel droit dans le projet de loi numérique. Mais le texte est d’effet limité, puisqu’il nécessite de satisfaire trois conditions cumulatives (espace publique, par des particuliers, à des fins non lucratives). Et quand bien même, le texte a été retiré par la suite du projet de loi, qui est à nouveau en discussion au Sénat ce mois-ci.
Plus récemment, la liberté de panorama a refait parler d’elle avec le vote, toujours par les députés, d’un amendement dans la loi Création qui propose de créer un droit à l’image sur les monuments des domaines nationaux. Ainsi, l’image de certains bâtiments comme les châteaux ne pourraient plus faire l’objet d’un usage commercial sans avoir à demander une autorisation, et payer une redevance.
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