Sur son blog Ask a Manager, Alison Green, elle-même ancienne manageuse et consultante spécialisée dans les relations au travail, distille depuis plusieurs années des conseils à ses lecteurs et répond à leurs questions. Elle qui a l’habitude de gérer des conflits entre collègues a, le 8 janvier 2024, reçu une question particulière et inédite de la part d’un lecteur. Le problème est aussi déconcertant que drôle : depuis que ce lecteur, qui travaille en freelance, a installé un bot au nom féminin pour traiter les demandes de rendez-vous, des hommes le draguent.
« J’ai un ‘assistant personnel’ sur mon adresse mail qui s’occupe [de la prise de rendez-vous] pour moi », écrit le lecteur. « Il porte un nom féminin (par défaut) et n’annonce pas qu’il s’agit d’un robot (bien que je ne pense pas qu’il soit difficile de le deviner). Il fait une salutation standard et termine par « Merci », en signant de son nom. Il ne fait que programmer des réunions, et il est loin d’atteindre le niveau d’un chatbot avec une IA, ou quoi que ce soit d’autre. »
« Toutefois, cette absence totale d’interaction de type personnel n’a pas empêché plusieurs hommes […] avec lesquels elle fixe des rendez-vous de l’inviter à sortir. Parfois, cela se produit dans les mêmes mails que ceux utilisés pour fixer les rendez-vous, mais une fois, un homme a envoyé un courriel de son adresse personnelle après les heures de bureau. »
Comment appeler les bots ?
Cette situation incongrue, repérée par The Daily Dot, interpelle. Comme l’écrit Alison Green dans sa réponse, « si quelqu’un a jamais douté du fait que certains hommes saisissent n’importe quelle occasion pour inviter une personne d’apparence féminine à sortir, en l’absence de tout signe de sa personnalité ou de tout signe d’intérêt de sa part… voici ce qu’il en est. »
Comme le lecteur l’écrit dans sa question, le fait que ces hommes tentent de draguer un bot est certainement moins grave d’un point de vue humain : il n’y a pas de véritable femme derrière l’écran devant subir ces invitations. Ces tentatives de dragues montrent cependant que ce genre d’interaction arrive quotidiennement à de vraies femmes.
En creux, cette situation soulève également une autre question : comment choisissons-nous le nom des bots, des assistants personnels et des intelligences artificielles ? Alors que ces outils tiennent une place de plus en plus importante dans notre vie personnelle et professionnelle, il est plus que jamais important de questionner nos choix.
Comme tout, ces choix reflètent les biais sexistes de la société. Plusieurs articles avaient déjà relevé le fait que des bots dans des positions d’assistance avaient plus tendance à avoir des prénoms féminins. Le journal américain The Atlantic se demandait ainsi dès 2016 pourquoi tant d’assistants numériques portent-ils des noms féminins, en faisant notamment référence à Siri, Cortana et Alexa. Depuis, la tendance n’a pas disparu, et la réponse est toujours la même : les stéréotypes de genre.
Comme l’écrivait également Arpita Bhattacharyya, une chercheuse et consultante dans le secteur de l’information, « historiquement, les femmes ont été associées à des rôles de soins, de soutien et d’éducation. Le fait de donner le nom de femmes à des agents d’intelligence artificielle renforce ces stéréotypes, car ces agents sont conçus pour aider les utilisateurs et leur apporter un soutien dans diverses tâches. »
Ces biais existent toujours aujourd’hui. En cherchant sur Google comment trouver un bon nom pour un bot, on voit que ces réflexes sont toujours les mêmes. L’un des premiers résultats sur lequel on tombe est Dashly, qui commence son article en donnant un exemple : un bot répondant à des questions informatiques avec un nom d’homme, « fera penser à un informaticien typique et montrera son expertise », tandis qu’un bot avec un nom de femme « fidélisera les visiteurs. » Un problème qui risque de perdurer.
C’est d’ailleurs ce qu’Alison Green a répondu. « Si vous voulez simplement que cela s’arrête, la solution la plus simple est de changer le nom en un nom à consonance très masculine. Je vous paierai personnellement des milliers de dollars si le fait de changer le nom du bot en Wayne ne met pas immédiatement fin à cette situation. »
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