Il faut s’y attendre. Le gouvernement va finalement trouver un intérêt à toute cette affaire Woerth. La stratégie se déploie en deux temps.
Le premier temps était celui que nous avions pressenti mardi en voyant poindre la tentation du gouvernement de faire diversion en détournant le regard vers la crédibilité de Mediapart et d’Internet en général. Dès mercredi, la tactique est devenue extrêmement claire, voire caricaturale tant elle a été répétée en boucle sur toutes les radios et les plateaux de télévision. Astrid Girardeau a publié une liste non exhaustive mais déjà bien remplie des interventions destinées à discréditer Mediapart et plus généralement la presse en ligne (« méthodes fascistes« , « presse des années 30« , « pas des journalistes« , « médias aux relents d’extrême droite et de trotskisme mêlés« , etc.).
La tactique est d’autant plus efficace qu’elle trouve un appui dans l’actualité de ce jeudi, puisque l’on a appris que l’ex-comptable de Bettencourt s’est rétractée devant la police sur ses accusations les plus graves rapportées par Mediapart, et qu’elle a même accusé le journal d’avoir « romancé » ses révélations. Sauf à ce que de nouveaux éléments viennent finalement étayer la thèse d’une corruption active de l’UMP, la crédibilité de Mediapart est effectivement ternie. L’occasion est trop belle pour ses adversaires.
Ce qui permet au gouvernement et à l’Elysée de faire d’une pierre deux coups. C’est Frédéric Lefebvre qui donne un indice du deuxième temps du retournement de l’affaire Woerth, que l’UMP aimerait voir se transformer en affaire Mediapart. Dans une tribune publiée par France Soir sous le titre grandiloquent de « J’accuse« , le porte-parole du parti majoritaire dénonce dès sa première phrase « un site aux méthodes inqualifiables financé par un riche homme d’affaires« .
Il fait allusion à Xavier Niel, le fondateur et principal actionnaire du fournisseur d’accès à Internet Free, qui a investi dans la création de Mediapart. Or ce détail n’aurait aucune importance s’il n’était porteur d’un sous-entendu. On se souvient en effet que Nicolas Sarkozy a bataillé contre l’offre de reprise du journal Le Monde portée par Niel, et qu’il a perdu une première bataille importante. La Société des Rédacteurs a rejeté l’offre préférée par le chef de l’Etat, ce qui a conduit le journal a entamé des négociations exclusives avec le trio Niel-Pigasse-Bergé. En septembre, un nouveau vote devra valider la reprise par le fondateur de Free, ou rouvrir les vannes à d’autres propositions.
Or avec sa toute petite phrase qui n’a l’air de rien, Frédéric Lefebvre envoie un signal que l’on peut ainsi résumer : l’homme qui finance un journal aussi peu crédible que Mediapart ne peut pas devenir le propriétaire du journal de référence que prétend rester Le Monde.
Parions que dans les prochaines heures ou les prochains jours, Xavier Niel sera de plus en plus au coeur des critiques formulées contre Mediapart, même s’il n’en est qu’un actionnaire parmi d’autres.
D’autant que si l’on en croit ce tweet du journaliste Emmanuel Berretta, « Xavier Niel veut qu’à l’avenir les scandales soient révélés par Le Monde. Car Plenel (et ses nombreux scoops) humilie le ‘journal de référence‘ »…
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