Le logiciel de reconnaissance des morceaux de musique Shazam ne peut pas avoir de concurrence. La société qui gère les brevets des technologies de Shazam veille à protéger le monopole, en allant jusqu’à menacer de poursuites un développeur qui propose une méthode alternative pour réaliser le même type de service en Java.

Il y a un peu plus d’une semaine, un développeur néerlandais a publié une méthode décrivant le moyen de créer en Java un système d’analyse et de reconnaissance des morceaux de musique à la manière de Shazam, qui permet de trouver le titre d’une chanson avec un téléphone mobile ou un microphone branché sur un ordinateur. Il suffit de jouer quelques secondes du morceau, et le programme compare ce qu’il entend avec une base de données de chansons pour trouver la référence.

Mais alors qu’il l’avait prévu, Roy van Rijn ne publiera pas le logiciel compilé ni son code source. Il a reçu un courrier d’une société baptisée Landmark Digital Services, qui lui intime de supprimer les quelques bouts de code présents dans son billet et de renoncer à toute publication future de codes sources permettant de réaliser son projet. « Bien qu’il n’est pas dans l’intention de Landmark d’alinéner ceux qui font partie de la communauté Open Source et de la Récupération d’Information Musicale, Landmark doit vous demander de ne pas délivrer, déployer ou poster le code présenté dans votre message« , indiquait ainsi la missive envoyée par le responsable technologique de la société.

Landmark Digital Services est une société créée en 2005 par la BMI (Broadcast Music Incorporated), l’une des deux Sacem américaines, lorsqu’elle a racheté la technologie BlueArrow de Shazam Entertainment. En contrepartie de la cession de sa technologie à la société de gestion collective, la BMI avait accordé à Shazam une licence exclusive pour la reconnaissance musicale sur les mobiles. Ce qui oblige désormais Landmark Digital Services à faire respecter l’exclusivité de la licence, en partant à la chasse de toute concurrence, y compris open-source et non commerciale.

Mis en demeure, Roy van Rijn a d’abord tenté de se défendre en demandant si les brevets logiciels sur lesquels prétend s’appuyer Landmark sont effectivement valides en Europe, et particulièrement aux Pays-Bas. La société se base explicitement sur les brevets 6,990,453 (déposé en 2001) et 7,627,477 (déposé en 2004), accordés aux Etats-Unis. Mais « notez qu’il y a d’autres brevets octroyés et des demandes de brevets en cours aux Etats-Unis et en Europe qui couvrent également ces concepts« , a prévenu de manière vague Landmark Digital Services.

Finalement, après quelques échanges, la société a fini par concéder que les brevets avaient simplement été déposés mais pas encore octroyés aux Pays-Bas. Mais que de toute façon, « votre billet de blog peut être vu de manière internationale« , et donc « vous pourriez contribuer à ce que quelqu’un viole nos brevets dans n’importe quelle partie du monde« , ce qui rendrait le développeur complice de contrefaçon.

C’est le même type de raisonnement internationaliste que celui de Gallimard, lorsqu’il demande à un site québecois de retirer des œuvres francophones qui sont libres de droit au Canada, parce qu’elles sont toujours proposées en France. Du fait de la nature internationale d’Internet, le droit le plus restrictif d’un Etat s’applique à tous les internautes des autres Etats du monde.

N’ayant pas les moyens financiers de se battre et de contester la validité des brevets, ou leur application à tous systèmes de reconnaissance musicaux, van Rijn a abandonné la bagarre. Même s’il est convaincu que sa méthode ne viole pas les brevets de Landmark. Ce qui ravive l’intérêt de la création d’une autorité administrative telle que la CNIL, responsable de protéger ceux dont la liberté d’expression et de communication est bafouée, notamment par l’abus des droits de propriété intellectuelle.


(Août 2005, la BMI et Shazam Entertainment signent le transfert de la technologie BlueArrow au bénéfice de la société nouvellement créée, Landmark Digital Services)

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