L’année dernière, Numerama questionnait, aux côtés des membres du collectif Libre Accès, l’ancienne présidente de la commission des Affaires économiques et monétaires du Parlement européen, Pervenche Berès. Cet entretien prenait place dans un contexte particulier, puisque deux des artisans de la défense des libertés sur Internet au sein du groupe PSE (Parti Socialiste Européen) n’étaient plus en mesure d’officier (retraite pour l’un, non-reconduction pour l’autre).
L’une de nos questions portait justement sur le projet de loi anti-contrefaçon ACTA. Dans la mesure où de nombreux traités internationaux fixent le droit d’auteur à l’échelle planétaire, il était intéressant de savoir comme le pouvoir législatif européen, et en particulier le groupe PSE, allait pouvoir intervenir dans ce débat où les pouvoirs exécutifs des différents pays ont souvent la maitrise des débats.
À l’époque, Pervenche Berès nous avait répondu en citant notamment l’action de la FFII, une association à but non lucratif allemande oeuvrant pour une infrastructure de l’information libre. « La FFII avait demandé au Conseil [de l’Union européenne], sans succès, des éléments d’information sur les négociations » avait-elle expliqué, avant d’ajouter :
« Il arrive par ailleurs que même le Parlement ait des difficultés à obtenir des documents de la part du Conseil en particulier parce que les réunions de Coreper et les groupes de travail ne sont pas ouverts. Dans le cadre de la réforme du Parlement en cours, nous allons engager une nouvelle discussion sur ce point« .
La FFII avait pourtant motivé sa demande en s’appuyant sur « le règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission« , et notamment en son point dix : « afin d’améliorer la transparence des travaux des institutions, le Parlement européen, le Conseil et la Commission devraient donner accès non seulement aux documents établis par les institutions, mais aussi aux documents reçus par celles-ci« .
Or, dans un communiqué de presse publié aujourd’hui, et relayé par Astrid Girardeau, la FFII rapporte les déclarations de « l’ombudsman » européen, qui officie en tant que médiateur entre les citoyens et les autorités européennes. Selon lui, l’ACTA « pourrait avoir de lourdes conséquences législatives pour l’Union européenne« .
Dans ces conditions, le médiateur admet que les « citoyens auraient un véritable intérêt à être informé à propos de l’ACTA » dans la mesure où le projet final « pourrait forcer l’Union européenne d’adapter sa législation » Seulement, le processus de validation d’un traité international n’est pas exactement le même que le processus législatif. Et les outils européens ne peuvent pas forcément s’appliquer à tous les textes concernant l’Union européenne.
C’est ce qu’a détaillé le médiateur européen, en nuançant ses propos (.pdf). Puisque la procédure pour l’ACTA n’est pas la même que celle de la loi ; il n’est donc pas certain de pouvoir obtenir la transparence des documents en cours. Mais pour un représentant de la FFII, « c’est une lacune » exploitable.
« Il est possible de forcer la main des démocraties sur leur législation tout en empêchant le grand public de regarder l’ensemble des documents. La législation de l’Union européenne sur l’accès aux documents doit être corrigée » a relevé Ante Wessels.
« Dans le même temps, les parlements ne devraient pas accepter l’usage de cette défaillance. La Convention (.pdf) de Vienne sur le droit des traités expose que l’histoire d’un traité joue un rôle dans l’interprétation de ce traité. Sans une divulgation complète, les parlements devront se prononcer sur un texte comportant des éléments inconnus« .
Rappelons que le parlement français pourrait se prononcer sur l’ACTA d’ici la fin de l’année 2010. Pour l’heure, seul un document a été rendu public officiellement, en avril dernier. Depuis, rien de neuf puisque les différentes parties impliquées dans les négociations s’opposent sur une nouvelle publication officielle et publique. Le dernier document disponible sur l’ACTA provient d’ailleurs d’une fuite. Cette version est celle rédigée lors du round de négociations qui a eu lieu début juillet en Suisse.
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