En l’absence d’accord global entre les fournisseurs d’accès à Internet et le gouvernement, les FAI décideront eux-mêmes du tarif qu’ils souhaiteront facturer à l’Hadopi pour l’identification des abonnés auxquels seront envoyés des avertissements. Le prix choisi par les opérateurs pourra aller de zéro centime à 8,50 euros maximum par adresse IP. Tous ne factureront pas le prix fort…

La semaine dernière, le gouvernement a fait paraître au Journal Officiel le décret très attendu sur la procédure d’avertissement et de sanction suivie devant la commission de protection des droits de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi). Aussitôt, le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand a présenté au Conseil des ministres une communication pour affirmer au gouvernement et au Président de la République que ça y est, l’Hadopi « est désormais en état de commencer son action« . Elle doit en principe envoyer ses premiers e-mails d’ici fin septembre, après une opération de communication destinée à faire naître « la peur du gendarme » chez l’abonné.

Reste tout de même un petit détail de rien du tout à régler : la question de la prise en charge des coûts d’identification des abonnés à Internet. C’est la grande absente du décret, qui inflige 1500 euros d’amende par adresse IP aux FAI qui ne transmettent pas l’identité d’un abonné suspecté… mais qui ne dit pas combien les fournisseurs d’accès pourront facturer à l’Hadopi pour cette identification.

« La situation concernant les compensations financières pour la mise en œuvre de la loi Hadopi n’a pas évolué« , nous confirme la Fédération Française des Télécoms (FFT), qui rassemble notamment Orange, Bouygues Telecom, et SFR (Free n’est pas membre).

Le bras de fer entre les opérateurs et le gouvernement avait commencé dès l’avant-projet de loi présenté par Christine Albanel, et ne semble pas avoir évolué d’un iota depuis.

Auditionné en commission des affaires culturelles de l’Assemblée Nationale, le secrétaire général de l’Hadopi Eric Walter avait indiqué au moins de juin que le coût de l’identification des adresses IP ne pouvait pas être basé sur le tarif prévu pour les réquisitions judiciaires, car « il ne s’agit pas du même processus« . « Nous avons travaillé avec les opérateurs à l’automatisation d’un système d’échange de données, qui devrait rendre le coût de l’identification des adresses IP nettement moins élevé. S’agissant de la compensation financière, il n’existe pas à ma connaissance de blocage avec les opérateurs« , disait-il.

Mais la FFT nous a pourtant bien confirmé qu’en l’absence de précision contraire dans le décret, et « dans l’attente d’une clarification sur ce point, le plus probable est que les opérateurs seront amenés à utiliser leurs tarifs de référence actuels pour les réquisitions légales« . Soit 8,50 euros par adresse IP à identifier. C’est donc exactement la même situation qu’au début du mois de juillet, où nous avions calculé qu’avec l’annonce de 50.000 adresses IP par jour faisant l’objet d’une saisine, rien que pour l’industrie musicale, c’est un budget de 425.000 euros par jour qu’il faudrait consacrer à l’Hadopi. Cette partie-là des coûts doit être prise en charge par le contribuable, tandis que la collecte des adresses IP, également coûteuse, est payée par les ayants droit.

Cependant, l’identification des abonnés de certains FAI pourrait coûter moins chère que d’autres. La Fédération Française des Télécoms nous précise en effet qu’il « il appartient à chaque opérateur de décider » des tarifs qu’il souhaite appliquer.

De là à dire que les avertissements se concentreront en priorité sur les FAI les moins gourmands sur la facture, il n’y a qu’un pas. Juridiquement, la commission de protection des droits de l’Hadopi a en effet toute latitude pour décider des saisines qu’elle souhaite ou non transmettre aux différents opérateurs concernés, et optimiser son retour sur investissement. Techniquement, c’est également possible. Dans le cahier des charges de l’Hadopi que Numerama avait dévoilé l’an dernier, il était en effet indiqué qu’une « recherche multicritère permettant de filtrer les données sera prévue (ex. plaque ADSL, département, fournisseur d’accès, type d’œuvre, nom de l’agent de la Haute Autorité, période du traitement, récidive O/N, …)« .

Orange, qui a déjà manifesté un intérêt commercial pour Hadopi avec le lancement raté d’un logiciel de sécurisation à deux euros par mois, apparaît à cet égard comme l’opérateur le moins difficile à convaincre de réduire drastiquement ses tarifs. Ce qui va de soi s’agissant de l’opérateur qui a recruté Christine Albanel en début d’année. Lors de l’Assemblée Générale des actionnaires d’Orange au mois de juin dernier, l’ancienne ministre de la Culture a laissé entendre que le groupe fournira presque gracieusement les noms et adresses de ses abonnés. « Il revient à notre groupe d’identifier les abonnés qui téléchargent illégalement sur la base des adresses IP horodatées, et ensuite de leur envoyer des courriels (…) Le coût pour l’entreprise est infinitésimal« , affirmait-elle. Il faut dire qu’avec l’acquisition en cours de Deezer, et le lancement annoncé de formules d’abonnement incluant l’accès illimité et sans publicité au service qu’avait vanté Christine Albanel à l’Assemblée Nationale, l’opérateur a tout intérêt à participer à la peur du gendarme. Il est également producteur de films, et son Studio 37 présidé par Christine Albanel a tout intérêt à ce qu’un maximum d’avertissements soient envoyés, à moindre frais.

Au contraire, Free pourrait être le plus résistant. Au mois de mars, le fondateur du fournisseur d’accès à Internet Xavier Niel avait assuré qu’il ne « bougera pas » tant que la question de la prise en charge des coûts n’était pas réglée.

Il sera donc intéressant de vérifier, lorsque les premiers e-mails seront envoyés, s’il y a disproportion entre la part de marché d’un FAI et le nombre de ses abonnés qui sont avertis. S’il se vérifie que certains FAI sont moins concernés que d’autres, une migration massive des abonnés n’est pas impossible.

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