On le sait, le gouvernement a remis fin juillet son rapport sur la neutralité du net. Il s’agit de la première étape avant que l’UMP ne dépose une proposition de loi visant à affirmer comme un principe la neutralité des réseaux, pour mieux en lister tous les exceptions possibles, et aboutir à cette fameuse « quasi-neutralité » décrite par l’ARCEP. Bien que très attendu, le rapport n’a pas été publié par le gouvernement. Il doit servir de base à des auditions menées en septembre et octobre, avant la rédaction d’un texte législatif en novembre 2010.
Le journal Libération, cependant, a pu mettre la main sur le rapport et en livrer les premiers extraits, à défaut d’en publier l’intégralité. Des extraits qui confirment toutes les craintes que l’on peut avoir du projet gouvernemental. Si l’on en juge par les extraits du quotidien, les intentions sont manifestement de porter atteinte à la neutralité du net plutôt que la défendre bec et ongle. Ainsi, « les bénéfices de la neutralité ou de l’ouverture de l’Internet doivent être mis en regard d’autres considérations sociétales, économiques, juridiques ou techniques« , prévient le rapport, qui donne son blanc seing au fait de transformer les intermédiaires techniques en auxiliaires judiciaires.
« Sur l’Internet, comme ailleurs, les agissements illicites (fraudes et escroqueries, délits de presse, atteintes à la vie privée, contrefaçon, piratage des œuvres protégées par le droit d’auteur, diffusion de contenus pédopornographiques, etc.) doivent être poursuivis et sanctionnés, ce qui peut impliquer la mise en place de dispositifs de filtrage ou de blocage de certains contenus« , ajoute le gouvernement. La liste des cas de filtrage ouverte par la loi sur les jeux en ligne, déjà mise en application, devrait rapidement s’allonger. Le rapport concède simplement qu’il s’agit de mesures « controversées« , pour mieux anticiper les arguments qu’il faudra déployer contre les défenseurs de la neutralité.
Du point de vue de la stratégie commerciale des opérateurs, le rapport estime que « la préservation d’un Internet ouvert n’interdit pas la mise en place de mesures techniques, notamment de gestion de trafic« , mais il précise que les interventions devront « répondre à des objectifs légitimes, rester aussi limités que possible et être appliqués de façon transparente et non discriminatoire« . Nathalie Kosciusko-Morizet avait prévenu au mois d’avril qu’elle refuserait les accords commerciaux visant à privilégier le trafic d’un partenaire. Il propose notamment un « code de bonne conduite » qui sera encadré par l’ARCEP, mais prévient que « l’investissement dans de nouvelles infrastructures » reste la priorité par rapport aux mesures restrictives, qui devront rester temporaires.
Le rapport ouvre à cet égard la voie à la fin du dogme du forfait illimité à prix fixe, imposé sur le marché par Free. Il estime ainsi possible « une augmentation du prix des forfaits ou un plafonnement de consommation dans les forfaits permettant d’adapter la facturation à la consommation« , ce qui de notre point de vue est la meilleure garantie du respect de la neutralité du net par les opérateurs. Ils ne pourraient plus en effet prétendre qu’ils sont obligés de brider l’accès à telle ou telle application gourmande en bande passante, pour en favoriser d’autres. Mais le gouvernement, aussi soucieux de démocratiser l’accès à Internet et de ne pas creuser de facture numérique, reconnaît aussitôt que la tarification différenciée selon les volumes « soulève certaines inquiétudes sur leurs impacts, les modalités de mise en œuvre le cas échéant et les moyens de garantir un Internet ouvert« .
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