« Mes chéris, j’ai une grande nouvelle à vous annoncer. En 2024, je rentre en bourse. » C’est ce qu’a déclaré Cyril Hanouna sur X (ex-Twitter) à ses abonnés le 17 mars 2024. Le message ne concerne pas l’entrée à Wall Street de l’animateur, mais son arrivée sur Royaltiz, une plateforme d’investissement unique en son genre. La société, sur laquelle Cyril Hanouna a eu « un énorme coup de cœur », permet « non pas d’investir sur (sic) des entreprises, mais d’investir sur des talents. Donc vous, vous allez pouvoir investir sur moi. »
Son message ne s’arrête pas là. « Royaltiz, c’est la nouvelle licorne. C’est une société qui va cartonner. », assène-t-il avec confiance, et en faisant référence au statut accordé aux startups valorisées à plus d’un milliard de dollars. Ce que Cyril Hanouna oublie de mentionner, c’est qu’en plus d’être « un talent » sur la plateforme, dans lesquelles les utilisateurs vont pouvoir investir, c’est qu’il est également entré au capital de la société en 2023 — et que la plateforme Royaltiz est controversée.
Qu’est-ce que Royaltiz ?
Royaltiz est une plateforme d’investissement créée en 2021 par les français Kevin Crouvizier et Christophe Vattier. Leur concept est simple : plutôt que d’investir dans des entreprises, Royaltiz propose d’investir dans des « talents », c’est-à-dire des sportifs, des influenceurs, ou même des musiciens. Si l’idée est limpide, c’est la façon dont les investissements marchent qui pose problème.
Pour pouvoir miser sur leur star ou influenceurs préférés, les utilisateurs doivent acheter des « ROY », la monnaie du site [il ne s’agit cependant pas d’une crypto-monnaie, ndlr]. Chaque talent a son propre ROY, dont le prix varie : ceux du combattant de MMA Benoit Saint-Denis se vendent à 11,75 euros, ceux du tennisman Benoit Paire à 1,34 euro.
Royaltiz permet ensuite, comme pour des titres boursiers classiques, de faire du trading, c’est-à-dire de vendre et d’acheter des ROY en fonction de la fluctuation de prix, ou bien de les garder, et de profiter du « yield », un taux de rendement payé mensuellement — comme des dividendes. Ce qui différencie véritablement Royaltiz des plateformes d’investissement classiques, c’est qu’ici, les utilisateurs misent sur des humains, la « classe d’actifs ultime », comme le résume la plateforme.
Une plateforme controversée
Royaltiz est au centre de plusieurs controverses et de nombreuses critiques, adressées notamment sur les réseaux sociaux. Selon le youtubeur Yann Pellenard, qui avait fait une première vidéo positive sur Royaltiz, il y a ainsi « plein de red flags », des signaux d’alertes. Dans une 2e vidéo, réalisée après quelques mois d’utilisation, il raconte avoir perdu une grande partie de sa mise, mais dénonce surtout un système opaque. Selon lui, le système d’affiliation pousserait les influenceurs à vanter le système Royaltiz sans avoir le recul nécessaire, la plateforme ne montrerait pas assez les pertes, le nombre de ROY attribué à chaque talent ne serait pas le même, ce qui fausserait les valeurs, sans compter le fait que la plateforme ne mettrait en vente qu’une toute petite partie de ses ROY, en gardant une majorité pour elle-même.
Les frais de transaction sur la plateforme sont également très importants : Royaltiz prend 5 % de la somme de chaque transaction, plus un euro. Enfin, comme le précise un autre youtubeur, Education Finance, les ROY ne seraient en fait que des actifs spéculatifs : les contrats passés entre Royaltiz et les talents indiqueraient que ces derniers ne s’engageaient pas du tout à transmettre une partie de leurs gains futurs à la plateforme. Les ROY ne donneraient donc droit à rien, selon le vidéaste.
Des affirmations que dément Aymeric Granet, le directeur général de Royaltiz joint au téléphone par Numerama. Tout d’abord, « Cyril Hanouna a bien annoncé l’année dernière qu’il devenait actionnaire de Royaltiz », rembobine-t-il, même si l’animateur n’a pas répété cette information dans sa nouvelle vidéo. « Il n’y a aucune volonté de dissimulation de notre part.»
Le directeur de Royaltiz tient également à préciser qu’il existe deux types de contrats différents pour les talents. Dans le premier cas, il s’agit d’un contrat établi avec des stars déjà bien installées, « et dont nous n’avons pas accès aux revenus. Comme nous n’avons pas la capacité de faire un audit des performances financières, nous agglomérons un certains nombre de données publiques et semi-publiques afin d’avoir des estimations », indique-t-il. Dans ce type de contrat, « l’évolution des revenus et de l’activité sur les réseaux sociaux va nous permettre chaque mois de déterminer le montant du rendement et s’il a baissé ou monté ». Les rendements sont versés directement par Royaltiz. C’est dans ce cas-là que l’algorithme est utilisé, pour simuler les revenus.
L’autre contrat est pensé pour des talents émergents, explique Aymeric Granet. « Là, on a accès aux revenus du talent, et là ce n’est pas nous qui versons les rendements, mais le talent directement, car c’est lui qui touche l’argent des ROY. En fonction de ses performances, il va verser ou non un rendement aux utilisateurs ».
Le problème, c’est que cette différence fondamentale n’est pas précisée sur le site, ni sur les profils des talents, alimentant la confusion sur le fonctionnement de Royaltiz. Autre élément qui n’est pas indiqué : les risques financiers que pose le système, notamment dans le trading de ROY. « Oui, les utilisateurs peuvent faire des plus-values et des moins-values, et dans ce cas-là on peut perdre », reconnait Aymeric Granet.
Cependant, insiste-t-il,« les investisseurs ne peuvent pas perdre d’argent avec les rendements ». Le site garantit des versements entre 2 et 50 % — mais là aussi, il y a une subtilité. Pour les contrats établis avec des grands noms, Royaltiz verse directement les sommes aux utilisateurs, mais dans le cas des talents émergents, c’est à eux de le faire. Or, si jamais ils connaissent d’importantes difficultés, « ils ne versent rien à leur investisseurs, si jamais ils n’ont pas les moyens de le faire », admet Aymeric Granet.
Pour les reproches concernant l’opacité du calcul des prix, le directeur explique que « la fixation du cours du ROY n’est faite que par l’offre et la demande, c’est quelque chose d’extrêmement transparent ». Quant aux ROY qui ne sont pas encore mis en vente, il s’agirait de prévoir une marge de croissance pour les talents, assure-t-il.
Cyril Hanouna a-t-il respecté la loi influence ?
Le message de Cyril Hanouna n’est pas passé inaperçu : il a notamment fait réagir le député Arthur Delaporte, qui a pris la parole sur son compte X (ex-Twitter) le dimanche 17 mars 2024 pour le dénoncer. « Ce type de message, non seulement contraire à la loi influenceurs car il n’affiche notamment pas l’intention commerciale [un premier message de Cyril Hanouna, depuis supprimé, ne mentionnait pas la collaboration commerciale, mais la deuxième vidéo de l’animateur le précise, ndlr], est extrêmement dangereux », écrit-il. En effet, « il incite à faire des placements très risqués. »
En plus de ce premier oubli, Arthur Delaporte note que « faire de la pub pour des produits financiers risqués sans aucune annonce de risque et par ailleurs sans être enregistré auprès de l’AMF, est interdit ». En effet, la loi influenceur, voté en 2023, encadre de manière très stricte ce que les créateurs de contenus peuvent promouvoir, notamment en ce qui concerne les produits financiers.
Cependant, Aymeric Granet réfute ces accusations. « La société a été lancée en 2021, et avant cela, nous avons envoyé un dossier à l’AMF [autorité des marchés financiers, ndlr], et elle nous a dit que nous n’étions pas considérés comme un produit financier par le droit européen. Nous avons donc pu nous lancer sans être régulé », indique-t-il. Ainsi, les produits de Royaltiz ne seraient pas concernés par le volet finance de la loi influence. Pratique.
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