C’est donc parti. La Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des droits sur Internet a lancé sa campagne de sensibilisation pour mettre en garde les Français sur les risques causés par le téléchargement illicite. Pendant deux week-ends, la Hadopi va distribuer 260 000 dépliants aux vacanciers sur la route du retour. Un dépliant qui se veut un véritable « mode d’emploi« .
« La plupart des internautes ont entendu parler de l’Hadopi sans en avoir une idée précise. Ce dépliant a pour objectif de donner à chaque internaute » le mode d’emploi » de l’Hadopi » explique ainsi le communiqué. Très bien. Mais à regarder de plus près, quelques commentaires peuvent être faits sur ce document. Car ce dépliant, tout généraliste qu’il est, comporte en filigrane des manques et des flous plutôt opportuns pour la Haute Autorité.
- Sur le label « Hadopi moyens de sécurisation ». Comme nous l’avons expliqué dans l’article précédent, la Haute Autorité va envoyer ses premiers mails d’avertissement le mois prochain sans proposer lesdits moyens de sécurisation. En effet, la labellisation n’en est qu’au stade de la consultation publique pour définir les spécifications fonctionnelles auxquelles devront se plier les moyens de sécurisation. En résumé, la Haute Autorité va dire aux internautes suspectés d’enfreindre le droit d’auteur qu’il est obligatoire de mettre en œuvre un moyen de sécurisation, sans pour autant leur dire lesquels.
- Sur le recours de French Data Network devant le Conseil d’Etat. Ce n’est certes pas le rôle premier de ce « mode d’emploi » d’évoquer l’action entreprise par le plus vieux fournisseur d’accès à Internet français. Mais il convient de rappeler que si la plus haute juridiction de l’ordre administratif français accède au référé-suspension, alors la riposte graduée ne pourra pas être mise en œuvre. Et les poubelles se rempliront alors des 260 000 dépliants.
- Du côté de l’offre légale, c’est le vide sidéral. Ou presque. Le dépliant évoque l’existence d’un label « Hadopi offre légale », et explique « qu’il existe aujourd’hui sur Internet des sites qui garantissent la qualité et l’authenticité des contenus et mettent en avant la créativité des auteurs« . Lesquels ? Si « l’une des missions du service public de l’Hadopi est d’identifier ces supports« , on se demande comment les Français vont pouvoir les connaitre. Aucun lien n’est proposé pour accéder à une liste de sites légaux.
- Sur les solutions de sécurisation d’un accès à Internet, le document est un peu plus bavard. Le dépliant évoque la protection d’un poste informatique par le biais d’un mot de passe, l’installation d’un logiciel de contrôle parental ou encore l’utilisation d’un clé WPA pour protéger son Wi-Fi (vous savez, il s’agit de cette fameuse clé craquée depuis 2008 en quelques minutes).
- Le dépliant met donc l’accent sur le filtrage « volontaire » des internautes, sans proposer des informations sur l’offre légale. Difficile de considérer autrement ce tract qu’un outil visant à effrayer les internautes. C’est la théorie de la peur du gendarme évoquée par Mireille Imber-Quaretta, la présidente de la Commission de Protection des Droits (CPD).
- Sur le schéma présentant l’action de la riposte graduée. Le document explique que celle-ci se met en marche sur « constatation des faits » puis « rédaction d’un procès-verbal par les ayants droit« . Nonobstant le fait que la Haute Autorité délègue à des sociétés privées une mission de surveillance des communications, le dépliant reste particulièrement vague sur la manière dont seront constatés les faits. Et surtout, que cette constatation se limitera aux réseaux peer-to-peer.
- À propos du schéma sur la riposte graduée d’ailleurs, une étape importante est manquante. Quid de l’identification de l’abonné ? Alors que la collecte des adresses IP coûtera très cher aux ayants droit, le débat sur les coûts de prise en charge n’est pas encore terminé. Sur ce sujet là, le gouvernement a fait savoir qu’il ne comptait pas mettre la main à la poche.
- Plus généralement, il est curieux de voir la Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des droits sur Internet indiquer son adresse postale mais pas la moindre adresse menant vers son site officiel. Pour une autorité spécialisée dans l’Internet, qui entreprend une communication vers les Français, c’est inattendu. Pour ne pas dire ridicule.
- Enfin, sur la forme. C’est peut-être un bête hasard, mais tout le dépliant est rédigé au présent, comme si la riposte graduée fonctionnait déjà à plein régime. Or, si les premières saisines ont eu lieues, les mails d’avertissement ne sont pas partis. Et par conséquent, aucun processus pour suspendre la ligne d’un internaute est enclenché. Par contre, les phrases relatives aux labels sont au futur. Tout un symbole ?
Ce sont donc les premières remarques que nous pouvions faire sur ce dépliant distribué aux automobilistes de retour de vacances. Des observations qui s’avéraient nécessaires, en remettant ce tract dans son contexte. De votre côté, quelles sont vos réflexions sur ce dépliant ? Pensez-vous qu’un tel papier peut persuader M. et Mme Michu de télécharger le dernier Michel Sardou ?
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