Est-ce un coup de bluff pré-élection présidentielle ou le début d’un grand changement ? Le 21 mars 2024, le ministère américain de la Justice (DOJ) et 16 procureurs généraux d’États et de districts ont annoncé attaquer Apple pour monopole illégal sur le marché du smartphone. Le document de 88 pages peut être consulté ici.
Merrick Garland, procureur général des États-Unis, déclare dans un communiqué que l’entreprise américaine « compromet les applications, les produits et les services qui pourraient rendre les utilisateurs moins dépendants de l’iPhone, favoriseraient l’interopérabilité et réduiraient les coûts pour les consommateurs et les développeurs. »
Des reproches vivement contestés par la firme de Cupertino : « Ce procès menace notre identité et les principes qui distinguent les produits Apple sur des marchés extrêmement concurrentiels » Et de prévenir qu’elle se battra devant les tribunaux pour contrer l’accusation américaine.
Apple peut-il résister à une attaque d’une telle ampleur ?
Les accusations du DOJ font écho à la trajectoire récente de l’Europe, qui, avec la mise en place du Digital Markets Act (DMA), a contraint Apple à effectuer de nombreux changements sur le Vieux Continent. La marque se plie à contrecœur à ces nouvelles règles depuis le 6 mars, mais ne manque pas de rappeler à quel point ces changements sont mauvais pour son écosystème. D’ailleurs, au bout d’un mois en dehors de l’UE, les changements se désactivent automatiquement.
Les États-Unis, dans un contexte de régulation des « Big Tech », reprochent à Apple :
- d’empêcher l’interopérabilité entre les messageries, en interdisant aux applications de messagerie d’accéder aux SMS et aux MMS, ce qui renforce la puissance d’iMessage (un sujet sensible aux États-Unis).
- d’empêcher les paiements dans les applications en dehors du moteur commissionné de l’App Store.
- d’interdire les « super-applications » avec des « mini-programmes »qui pourraient concurrencer l’écosystème Apple en offrant plusieurs services dans une seule application.
- d’empêcher les applications de cloud gaming de fonctionner (ce n’est plus le cas aujourd’hui).
- d’empêcher les constructeurs de montres connectées autres que l’Apple Watch d’accéder à l’ensemble d’iOS.
- d’empêcher les développeurs de lancer des apps concurrentes d’Apple Pay.
- de limiter les choix des Américains, en empêchant l’émergence d’une concurrence plus agressive sur le plan tarifaire.
Cela fait des années que le DOJ enquête sur Apple, après s’être déjà attaqué à Google ou à Microsoft. Les États-Unis, longtemps timides en matière de régulation du numérique, veulent montrer les muscles et empêcher leurs géants d’être trop puissants. Évidemment, il y a une part de politique dans ce procès. La prochaine présidentielle se jouera aussi sur le terrain de la régulation du numérique, alors que les deux camps sont particulièrement remontés contre la puissance des géants de la tech, mais pas forcément pour les mêmes raisons.
Apple s’oppose fermement à la décision américaine
Dans un communiqué envoyé à plusieurs médias, dont Numerama, Apple déclare que ce « procès menace notre identité et les principes qui distinguent les produits Apple sur des marchés extrêmement concurrentiels. S’il aboutissait, il entraverait notre capacité à créer le type de technologie que les gens attendent d’Apple, où le matériel, les logiciels et les services s’entrecroisent. »
Pire encore, la perspective ouverte par l’action du DOD « créerait également un dangereux précédent, en permettant au gouvernement d’intervenir lourdement dans la conception de la technologie des citoyens. Nous pensons que cette action en justice est erronée sur le plan des faits et du droit, et nous nous défendrons vigoureusement contre elle. »
Déjà condamné aux États-Unis à ouvrir les applications tierces à des moteurs de paiement alternatifs, Apple enchaîne les mauvaises nouvelles ces dernières semaines. En plus du DMA, l’Union européenne a infligé une amende de 1,8 milliard d’euros à Apple, à la suite de une plainte de Spotify. Le contexte politique est délicat pour Apple qui, vu sa taille, est désormais dans le viseur des régulateurs du monde entier.
Contrairement à l’Europe, les États-Unis ne misent pas sur une régulation commune à toutes les entreprises de la tech, mais sur des procès au cas par cas, pour prouver qu’une entreprise est en situation de monopole et la contraindre à des changements. La victoire sur Apple est encore loin d’être atteinte. En effet, la marque et son armée d’avocats ne manqueront pas d’arguments pour prouver que l’iPhone n’est pas le monopole décrit par les autorités.
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