La charge est particulièrement virulente, et elle promet de redonner un grand coup d’air sur les braises qui peinent à s’allumer de la place de la République. En meeting à Nice auprès de la Fédération des Alpes Maritimes des Républicains, l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy s’est attaqué avec une rare violence aux milliers d’individus qui se relaient chaque soir, à Paris comme en Province, pour débattre de l’avenir de la République et imaginer un autre monde, dans des veillées nocturnes.
Au cœur d’une anaphore sur tout ce que « nous ne pouvons plus accepter » en France, celui qui se rêve candidat à la prochaine présidentielle de 2017 a crié que « nous ne pouvons plus accepter que des lycéens manipulés bloquent des lycées pour protester contre une loi [travail] dans laquelle il n’y a rien », ou que « des gens qui n’ont rien dans le cerveau viennent sur la place de la République donner des leçons à la démocratie française ». Avec toute l’emphase possible sur ce dernier mot, comme s’il s’agissait d’un trait d’union avant d’enchaîner sur les étrangers en situation irrégulière.
Quoi que l’on pense du mouvement Nuit Debout, il est plus que réducteur de le réduire à un mouvement de décérébrés, alors qu’il s’agit tout au contraire d’un mouvement de citoyens éclairés, qui ne s’estiment plus représentés par les élites actuelles et veulent, naïvement mais pacifiquement, re-penser la démocratie. Il y a dans Nuit Debout beaucoup d’intellectualisme et de réflexion, de la coordination du mouvement en ligne jusqu’à son extension aux domaines artistiques.
En insultant les acteurs du mouvement Nuit Debout, et surtout en jugeant qu’il s’agirait de « donner des leçons à la démocratie française », comme si celle-ci n’avait pas à en recevoir, Nicolas Sarkozy démontre un profond décalage entre l’élu qu’il fut, et le ressenti d’une partie de la population face à l’action de ceux qu’ils élisent.
Avant d’être un mouvement de révolutionnaires, Nuit Debout est d’abord le symptôme d’un malaise qui couve, et qui tente de s’exprimer par d’autres voies que la violence physique ou même verbale. Avec une telle déclaration inutilement agressive, Nicolas Sarkozy prend le risque de radicaliser un mouvement avec lequel il serait plus utile de dialoguer. Or on ne dialogue pas avec des gens que l’on estime être incapable de réfléchir et de discuter.
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