La collecte d’adresses IP sur les réseaux P2P est illicite en Suisse. Dans une procédure exceptionnelle réunissant cinq juges, le tribunal fédéral suisse a estimé que l’activité anti-piratage de la société Logistep ne reposait sur aucune base légale. Son directeur pourrait être arrêté et poursuivi pénalement.

Le verdict est tombé, et il fait de la Suisse un paradis juridique pour les téléchargeurs. Mercredi, le tribunal fédéral a jugé que l’activité de la société Logistep était illicite, et a décidé d’ouvrir des poursuites pénales à son encontre. L’arrestation du directeur a même été demandée. Logistep était poursuivie par le Préposé à la protection des données, l’équivalent suisse de la CNIL, pour sa collecte d’adresses IP de pirates présumés sur les réseaux P2P. Les adresses IP étaient revendus aux ayants droit pour leur permettre de menacer les abonnés de poursuites s’ils ne payaient pas un dédommagement de plusieurs centaines d’euros.

Par une majorité de trois juges contre deux, la plus haute juridiction suisse a estimé que l’adresse IP était une donnée personnelle, que la collecte des adresses IP ne reposait sur aucune base légale, et que l’activité de Logistep était donc une atteinte illicite à la vie privée des internautes. L’audience publique, inédite en matière de nouvelles technologies, avait été prévue pour le mois d’avril, avant d’être reportée. Il s’agit d’une procédure rare, utilisée surtout lorsque les magistrats souhaitent publier une décision de principe devant faire jurisprudence.

Alerté par l’association Razorback, le Préposé à la protection des données s’était ému, lorsque nous avions révélé l’affaire Techland en 2007, de découvrir que des adresses IP collectées par Logistep avaient été exploitées pour menacer des centaines d’internautes, notamment français. Le gendarme de la vie privée avait exigé de la société suisse qu’elle « mett(e) immédiatement fin au traitement de données qu’elle effectue« , sans effet.

Dans un jugement de première instance, le tribunal administratif avait estimé que l’ampleur du piratage était telle qu’elle justifiait les moyens employés, et qu’il n’y avait pas besoin pour Logistep d’être autorisée à collecter les adresses IP sur les réseaux Peer-to-Peer. Cette décision avait scandalisé le Préposé la protection des données, qui avait interjeté appel, avec Razorback. L’association a d’ailleurs été très active sur le dossier, en fournissant notamment deux avis de droit au Préposé pour enrichir son recours.

La décision rendue ce mercredi, qui n’est pas susceptible d’appel, rend de fait la chasse aux pirates illicite en Suisse. Contrairerement au droit français qui avait été amendé en ce sens en prévision de la riposte graduée, le droit suisse ne permet pas à des acteurs privés de collecter des données relatives à des infractions.

Les relevés de Logistep avaient été utilisés en France, avant que la CNIL juge irrégulière l’exploitation qui en avait été faite par une avocate parisienne, ensuite condamnée par le Conseil de l’Ordre. On ne sait pas, aujourd’hui, qui étaient encore clients de Logistep.

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