La gravité de l’emprisonnement d’un individu entre trois murs et une une grille est souvent traitée avec légèreté, par la grande majorité d’entre nous qui n’avons pas conscience de ce que peut être une telle expérience. La surpopulation carcérale française ainsi que les conditions de vie des détenus n’intéressent que par intermittence une opinion publique qui vit dans le déni des réalités carcérales.
Au-delà des fictions qui en font leur décor, comme Prison Break ou Orange is the New Black, il est particulièrement rare de trouver des représentations crédibles et prenantes de la vie en prison. Pour parler du sujet de l’inhumanité de certaines conditions de détention, le journaliste se heurte alors, soit au désintérêt populaire pour un lieu carcéral honni de tous, soit aux contraintes spécifiques des médias pour illustrer une thématique aussi sensible.
C’est pourtant ce sujet que le Guardian a décidé d’explorer, en tentant une expérience à la fois inédite et immersive. L’idée ? Montrer ce qu’est vraiment l’enfermement par le truchement du virtuel, grâce à une application de VR conçue pour le Google Cardboard.
360 degrés d’enfermement
Les technophiles regretteront bien sûr les limites techniques des Cardboard et d’une expérience forcément minimaliste. Mais là n’est pas l’essentiel. Ce que tente de faire le Guardian, c’est de nous faire approcher au plus près de la réalité de l’incarcération.
On a beau se concentrer sur le mot « virtuelle » dès qu’on parle de VR, la première de ses ambitions est bien d’abord de recréer la réalité. Et c’est pour cela qu’il est n’est pas opportun de se résoudre à limiter les dispositifs de réalité virtuelle à l’industrie du divertissement, alors qu’ils pourraient changer notre vision en permettant à chacun de vivre les vies qui ne seront jamais vécues.
Cette expérience offerte par le Guardian a de quoi remettre en cause ses opinions préconçues sur un lieu plus virtuel dans nos imaginaires que dans la réalité virtuelle. Elle impose des débats internes avec soi-même. Les délinquants méritent-ils la violence morale d’un tel enfermement, après les délits ou les crimes qu’ils ont pu commettre ? Est-ce un outil d’aide à la réinsertion, ou un simple châtiment ? Chacun trouvera sa réponse en son for intérieur, s’il trouve le courage de s’enfermer plusieurs heures dans les 360° d’une geôle en pixels.
Expérience de vérité virtuelle
À travers cette expérience glaçante, le Guardian touche particulièrement juste sur tous les tableaux. La VR prend ici un sens nouveau et légitime face à des réalités aussi difficiles à appréhender que celle de l’incarcération, qui mérite notre attention. Si nous pensons à toutes les expériences qu’il est possible d’imaginer, la VR devient alors un nouveau medium à la fois inédit et incroyablement transparent pour le journalisme.
Là où les gamers attendront des jeux vidéo d’excellente facture, nous attendrons aussi (et peut-être même plus) ces téléportations chocs, à même de révéler davantage de réalité que ne pouvait le faire le journalisme documentaire jusque-là.
Si le cinéma en 360° a de quoi rendre sceptique, le documentaire en immersion virtuelle est lui une expérience saisissante. Il apparaît comme une suite logique et nécessaire pour raconter la vérité nue. L’immersion permise par les images n’est pas l’illusion que certains voudraient y voir, elle est d’abord une vérité capturée, palpée et rendue telle quelle à un spectateur pris au piège par la réalité. Le spectateur ne pouvant détourner le regard des réalités qui lui sont soumises, au sens propre et figuré.
Ainsi, dans un monde qui tend à se complexifier et à devenir indéchiffrable, la réalité brute des immersions donne à voir l’invisible.
Les modifications de la perception qui se cache derrière la réalité virtuelle sont aussi inquiétantes que prometteuses.
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