Reporters Sans Frontières juge que le projet de loi Loppsi s’inscrit dans la même lignée que les lois DADVSI et Hadopi, en manifestant « la tendance actuelle des Etats démocratiques à surveiller et à contrôler de manière accrue Internet ». L’association critique notamment le filtrage sans contrôle judiciaire que prévoit le texte issu du Sénat.

Reporters Sans Frontières est inquiète du contrôle que tente d’exercer le gouvernement sur Internet en France. Jeudi, l’association a renouvelé ses critiques à l’égard du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi), et en particulier contre l’article 4 qui instaure le filtrage de sites à caractère pédopornographique sur décision administrative. Elle juge ce filtrage « inefficace et dangereux« , et craint qu’il puisse avoir « des conséquences négatives pour la liberté d’expression en ligne« .

RSF, qui avait déjà condamné le projet de loi l’an dernier, regrette en effet que le Sénat soit revenu sur le texte voté par les députés, en supprimant l’obligation de passer par un juge avant toute demande de filtrage. Si le projet de loi est adopté en l’état, l’Office central de lutte contre la criminalité liées aux technologies de l’information (OCLCTIC) pourra notifier aux FAI une liste de sites à bloquer, en décidant souverainement de ce qui a un caractère « manifestement pornographique ». Or, « il est impératif, comme pour tout support papier, qu’une autorité judiciaire décide si un site doit être considéré comme illégal« , estime RSF.

« L’efficacité du recours au filtrage des sites Internet est largement contestée par des rapports« , rappelle l’association. « Le dispositif n’empêchera pas le contournement du filtrage par ceux qui échangent des contenus pédopornographiques, il ne fera pas disparaître l’information sur le Réseau et n’aura aucun effet sur la source du problème. Le filtre bloquera des sites aveuglément, traitant par exemple de la protection de l’enfance ou d’une association de défense des mineurs victimes de sévices sexuels« .

Comme beaucoup, Reporters Sans Frontières craint que le filtrage soit rapidement « étendu à d’autres sujets que la pédopornographie« , « vers d’autres délits tels que la contrefaçon, la diffamation, l’offense au chef de l’Etat, etc. ».

L’association critique par ailleurs les deux autres articles relatifs au numérique. Il prévient que l’article 23 qui prévoit l’installation des mouchards sur les ordinateurs dans les enquêtes judiciaires « est contraire par essence au respect du secret des sources et ne doit pas être utilisé contre un journaliste« , mais constate les journalistes non professionnels tels que les blogueurs ne bénéficient pas de cette protection. Quant à l’article 2 sur le délit d’usurpation d’identité, sa formulation « extrêmement large, risque de sonner le glas de l’utilisation de pseudonymes (risque de sanction en cas d’utilisation du pseudo d’un autre), de fausse-identité, de la création de profils visant à caricaturer ou faire la satire de personnes connues« .

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