C’est sur IRC qu’ils nous ont donné rendez-vous, dans un salon public. Pas d’interview de membre isolé. Les Anonymous, qui déploient un nombre croissant d’attaques DDOS contre les ayants droit et leurs protecteurs, répondent en groupe, dans une certaine anarchie. Mais tous expriment la même colère et le sentiment qu’ils n’ont plus d’autre choix…

Ces dernières semaines et surtout ces derniers jours, les attaques DDOS contre les organisations d’ayants droit et les professionnels de la chasse aux pirates se sont multipliées. Ce week-end, l’attaque a atteint un nouveau pallier avec la publication de plus de 350 Mo de mails du cabinet d’avocats ACS:Law, spécialisé dans le recouvrement de paiements par les internautes suspectés de piratage.

Les auteurs sont un groupe d’internautes anonymes, les « Anonymous », qui refusent d’être associés à la communauté 4chan. On ne connaît ni leur nombre ni leur nationalité, ils n’ont aucun leader, mais ils espèrent provoquer chez le peuple des internautes une « révolution ».

C’est ce qu’ils nous ont expliqué dans cette interview, par nature décousue.

Numerama.com : Pourquoi les attaques DDOS se sont-elles intensifiées ce mois-ci ?

Les Anonymous : C’est à cause d’une rage contre les organisations d’ayants droit qui utilisent des méthodes illégales pour parvenir à leurs buts. Le fait qu’AIPlex a été engagé pour attaquer illégalement The Pirate Bay a été le déclencheur (ndlr : AIPlex est une société indienne qui a été engagée début septembre par des studios pour lancer des attaques DDOS contre des sites pirates, dont TPB)

Ce nouvel influx de colère et de frustration a été surtout provoqué par leurs propres méthodes illicites pour essayer d’arrêter le partage de fichiers, et par de nouvelles lois adoptées à travers le monde qui, il n’y a pas d’autre mot, chient sur notre vie privée.

Quelles ont été vos cibles jusqu’à présent ?

La MPAA, la RIAA, Aiplex, ACS:Law, Davenport Lyons (un cabinet d’avocats britannique, ndlr), AFACT.ORG.AU (organisation anti-piratage australienne), CopyrightAlliance.org, la BPI (le SNEP britannique) et ACAPOR.PT (la MPAA portugaise).

Dans votre liste il n’y a pas l’entreprise TMG, qui collecte les adresses IP envoyées à l’Hadopi. Est-ce parce que vous ne les connaissez pas, ou qu’ils ne vous intéressent pas ?

TMG a été ciblé mais la tentative de DDOS n’a pas été couronnée de succès. Il faut dire aussi qu’à travers le monde il n’y a pas eu beaucoup d’attention médiatique portée sur TMG pour le moment. Nous les connaissons, et nous les viserons probablement à l’avenir.

Comment se passe une attaque DDOS typique ?

Ca n’est pas le genre d’attaque DDOS habituelle. Ici ça n’est pas seulement des botnets ou des réseaux hackés qui sont utilisés, ce sont des milliers d’internautes qui participent en même temps. LOIC (un logiciel mis à disposition des internautes pour participer aux attaques, ndlr) peut être utilisé par n’importe qui comme leur propre outil personnel de DDOS. Mais il est impossible de chiffrer le nombre de connexions ou de participants.

Quand les attaques vont-elles s’arrêter, ou qu’est-ce qui pourrait vous convaincre de les arrêter ?

Dans l’idéal, la révolution. Une révolution contre toutes ces années de lois insupportables et non voulues édictées contre la population. Une révolution contre l’écriture de lois qui ne représentent pas le peuple.

Ce qui a été montré ce week-end au moins à travers le cas d’un cabinet d’avocats anti-piratage, c’est que c’est une histoire d’argent à gagner et pas de protection des droits d’auteur.

Nous espérons que ça les attaques ne cesseront jamais. Elles vont attirer beaucoup plus l’attention du public et des médias. Rien ne fera que ça s’arrête, les attaques DDOS sont juste une petite partie émergée de l’iceberg. Tant que nous pourrons partager, ça ne s’arrêtera pas. Les grandes industries culturelles essayer de contrôler et de préserver leur monopole sur la distribution de contenus, en utilisant essentiellement des méthodes illégales et infâmes. L’internaute lambda est désigné comme un criminel parce qu’il fait rien d’autre que de communiquer avec son voisin.

Ca n’est pas le rôle des entreprises privées de jouer à la police du droit d’auteur. Il devrait toujours y avoir un tribunal entre l’ayant droit et l’individu. Les utilisateurs lambdas sont extorqués, on leur fait peur pour qu’ils payent une amende. Cette pratique est assimilable au chantage et ça doit s’arrêter.

Ca n’est plus simplement de la propagande du genre « vous ne voleriez pas une voiture » ou ce genre de connerie. Maintenant ils influent sur la loi et les politiques, à une toute autre échelle en 2010. Ca doit s’arrêter.

Qu’est-ce que vous répondez à ceux qui disent que les attaques DDOS sont contre-productives, parce qu’elles font passer les pirates pour des « cyberterroristes » auprès du législateur ?

Personne ne pense un seul instant que les attaques DDOS vont mettre fin à quoi que ce soit. C’est productif dans le sens où ça va attirer l’attention sur l’injustice qui est sous nos yeux, de façon plutôt silencieuse pour l’instant.

Les ayants droit ont utilisé des entreprises IT spécialisées pour surveiller, DDOSser et infiltrer les systèmes d’ordinateurs privés illégalement, et faire peur aux utilisateurs en leur demandant des paiements d’après des données collectées sans aucune méthode scientifique. Ce sont eux les délinquants, pas nous.

Prévoyez-vous d’autres types d’attaques que des attaques DDOS ?

Nous n’avons pas « defacé » de site web pour l’instant, puisque nous essayons de dénoncer plutôt que de modifier les pages actuellement.

Si nous pouvons publier une nouvelle série de mails, ça serait génial. Les fuites de mails sont la priorité.

Les attaques DDOS ne sont pas notre seul mode d’action. Beaucoup d’entre nous sommes entrés en contact avec nos députés et avec les députés du Parlement Européen pour tenter d’empêcher les grandes entreprises culturelles multinationales de ré-écrire la loi européenne à travers l’ACTA. Les attaques DDOS sont juste une petite partie d’un combat qui s’oppose au fait de nous dire quand et comment nous devons partager notre culture.

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