L’Ursaff a décidé d’attaquer Uber devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale (Tass) et de dénoncer l’entreprise auprès du parquet de Paris, pour travail dissimulé. Elle estime que la plateforme est bien l’employeur des VTC, et qu’elle doit verser les cotisations sociales correspondantes.

La justice française devra bien décider s’il existe un lien de subordination suffisamment fort entre Uber et ses chauffeurs de VTC pour estimer que ces derniers sont « salariés » de l’entreprise, et qu’il faut donc verser des cotisations pour participer au financement de leur sécurité sociale. L’AFP a en effet révélé mardi que l’Urssaf d’Île-de-France avait décidé de poiursuivre Uber devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale (Tass), après le refus d’Uber de payer plusieurs millions d’euros d’arriérés de cotisations, que l’entreprise estime non dus.

Selon le directeur de la Réglementation, du Recouvrement et du Service de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), Jean-Marie Guerra, l’antenne locale de l’Urssaf a décidé de requalifier la nature du contrat qui lie Uber à ses chauffeurs de VTC. Elle juge que ces derniers ne sont pas des « travailleurs indépendants » comme le prétend leur statut officiel, mais bien des salariés qui doivent bénéficier d’une protection sociale, ce qui impose le versement de cotisations correspondantes.

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« C’est Uber qui recrute, qui forme, la commission est plafonnée, ils prennent un pourcentage dessus, la course n’est pas libre, les chauffeurs doivent rendre des comptes… Toute une série d’éléments montrent que le salarié travaille bien dans le cadre d’un service organisé par Uber pour le compte de l’ensemble des chauffeurs », explique M. Guerra à l’AFP.

Avec le jeu des recours, l’affaire pourrait toutefois ne recevoir un jugement définitif que dans cinq à six ans, vers 2022. Et contrairement à ce qui se fait aux États-Unis, Uber ne pourra pas verser des dizaines de millions d’euros pour éviter à l’amiable le couperet judiciaire.

Une plainte au pénal pour travail dissimulé

En conséquence de cette requalification, Uber est également attaqué au pénal, pour travail dissimulé. Comme l’impose l’article 40 du code de procédure pénale, l’Urssaf a en effet envoyé au procureur de la République un PV d’infraction, et le parquet devra désormais décider s’il ouvre une enquête préliminaire, pour vérifier qu’effectivement les chauffeurs auraient dû être déclarés en tant que salariés par Uber France, et bénéficier de toute l’étendue des protections apportées par le code du travail.

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention

Le cas d’Uber est un exemple symptomatique, qui a donné naissance à la fameuse « uberisation » de l’économie. Des entreprises entières se créent désormais avec comme business model de déléguer la réalisation du service à des prétendus « travailleurs indépendants », qui ne bénéficient plus d’aucune protection sociale, si ce n’est celle permise par leur propre statut, précaire, et bénéficiant souvent d’exonérations de cotisations. Or moins il y a de salariés, plus les caisses de la solidarité nationale se vident.

« Cela devient un enjeu pour le financement de notre protection sociale, aujourd’hui construit essentiellement sur les salaires », dénonce ainsi Jean-Marie Guerra.

Le précédent des taxis G7

Uber, bien sûr, conteste la procédure. L’entreprise cherchera à nier l’existence d’un lien de subordination. En 2011, la chambre sociale de la cour de cassation avait jugé d’une affaire proche, concernant les taxis G7 et un chauffeur de taxi qui employait les services de la centrale.

« L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs », avait d’abord rappelé la cour de cassation, dans son arrêt du 30 novembre 2011.

Elle avait ensuite dressé une série de motifs pour lesquels le contrat de location de l’équipement de G7 devait être analysé comme un lien de subordination. Ils donnent un indice de ce que pourraient relever les tribunaux, même si la situation entre Uber et VTC ne peut pas être calquée, et demandera une étude sur d’autres éléments liés à l’application et à la plateforme :

« Et attendu qu’ayant relevé que le chauffeur locataire devait, dans l’exercice de sa profession, respecter les consignes et procédures relatives à l’exécution des courses radio qui lui étaient attribuées par le central, répondre à toute convocation de la direction générale, de son responsable de réseau ou de ses collaborateurs et accepter de la part des clients tout mode de règlement agréé par le loueur et mis à la disposition de ceux-ci?; qu’il avait également l’obligation d’apposer distinctement sur le taxi le logo de la société loueuse?; qu’il n’avait pas la maîtrise de son outil de travail, la société SNGT se réservant le droit de reprendre le matériel à n’importe quel moment pour entretien ou réparation, exerçant un véritable pouvoir de contrôle unilatéral de ce matériel sans avoir à justifier de motifs préalables à cette intervention, privant ainsi le locataire du bénéfice de l’usage de ce matériel pendant toute la durée de l’entretien ou de la réparation, et donc de la possibilité de réaliser un chiffre d’affaires à l’origine de son revenu?; qu’il n’avait pas non plus la maîtrise des clients puisque le règlement intérieur prévoyait une sanction en cas de non utilisation du matériel loué ou de refus de prendre en charge les clients, ce dont il résultait que la société SNGT avait, en fait, le pouvoir de donner des ordres et des directives, relatifs non pas au seul matériel objet du contrat de location, mais à l’exercice du travail lui-même, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements, la cour d’appel a par ces seuls motifs légalement justifié sa décision. »

Affaire à suivre.

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