La France souhaite « répondre entièrement au problème de santé publique posé par Internet » lorsque sera autorisée la vente de médicaments en ligne. Mais bien que nécessaire, sa préoccupation pour la santé publique semble être d’une interprétation très large.

Sans le dire encore explicitement, la France devrait bientôt plaider pour que les pharmacies en ligne qui vendent des médicaments sur Internet soient filtrées par les fournisseurs d’accès. Nous avons déjà évoqué cette possibilité en avril dernier, et le projet semble se préciser. L’ouverture du marché des médicaments sur Internet aura bien lieu, mais pas sans contre-mesures.

Dans une réponse au sénateur socialiste Roland Courteau, qui faisait part de ses « vives préoccupations suite aux informations selon lesquelles le Gouvernement envisagerait d’autoriser la vente de médicaments sur Internet« , le Ministère de la santé s’est ainsi voulu rassurant. « Le projet de directive sur les médicaments falsifiés, actuellement débattu au niveau européen, contiendra un encadrement de la vente de médicaments sur Internet par les officines (…) Toutefois, le seul encadrement juridique de la vente de médicaments en ligne sera insuffisant pour répondre entièrement au problème de santé publique posé par Internet. C’est pourquoi, la réflexion doit également porter sur les moyens de lutte contre l’offre illicite de médicaments sur Internet, notamment par le renforcement de la veille et de la détection des comportements illicites« , écrit le cabinet de Roselyne Bachelot.

Il appuie les travaux internationaux qui ont cours actuellement pour « mettre en œuvre des mesures législatives et techniques pour combattre la contrefaçon de médicaments« , et souhaite sensibiliser les consommateurs « aux risques liés au mésusage et à la contrefaçon, ainsi qu’à l’achat sur Internet de médicaments hors des réseaux de distribution encadrés« .

La logique voudrait que l’on fasse pour les médicaments comme pour les jeux d’argent en ligne, qui peuvent être bloqués par les FAI sur ordre judiciaire lorsqu’ils ne sont pas homologués par l’Autorité administrative. Les moteurs de recherche peuvent aussi recevoir l’ordre de déréférencer des offres.

S’il est un domaine où le filtrage est difficile à contester, c’est bien celui de la santé publique. Personne ne peut admettre que des médicaments contrefaits dangereux pour le malade soient vendus. Mais la santé publique est aussi exploitée comme un prétexte pour limiter la concurrence, à la fois à l’égard des pharmacies traditionnelles qui voient d’un très mauvais oeil l’arrivée de concurrents en ligne, et à l’égard des industriels qui craignent que les patients recherchent les médicaments les moins chers à efficacité identique.

Le projet de directive européenne (.pdf) mis en avant par le gouvernement ne se limite pas en effet à la simple contrefaçon des principes actifs, mais vise à lutter contre tous les « médicaments falsifiés du point de vue de leur identité, de leur historique ou de leur source« . C’est une « définition large du médicament contrefait, allant au-delà de la question de la violation des droits de propriété intellectuelle( … qui) permet donc de couvrir à la fois les médicaments protégés par des brevets et les génériques« , avait remarqué la Commission des affaires européennes du Sénat, sans le contester.

La France a même demandé à la Commission européenne qu’ « outre les substances actives, la proposition de directive prenne en compte les excipients« , c’est-à-dire, « ces substances qui confèrent une consistance donnée, ou d’autres caractéristiques physiques ou gustatives particulières » au médicament. « Les excipients sont sujets à la contrefaçon au même titre que les substances actives, leur sécurisation au sein de la chaîne de fabrication des médicaments doit donc être assurée de la même façon« , soulignait la France. Nous sommes, ici, loin de la préoccupation de la sauvegarde de la santé publique.

(illustration : CC Fillmore Photography)

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