Ce mardi après-midi se tenait au Sénat une table ronde sur la neutralité du net, qui a commencé par une première thématique sur la « neutralité des contenus ». Une expression étrange, d’ailleurs critiquée par la secrétaire d’état à l’économie numérique Nathalie Kosciusko-Morizet, en conclusion des travaux. C’est à cette occasion qu’est intervenu Emmanuel Gabla, membre du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), qui a émis le souhait que le débat sur la neutralité du net aille jusqu’à celui de la « neutralité des moteurs de recherche ». Une idée pas forcément mauvaise, puisque nous l’avons nous-même soutenue (c’est dire si elle doit être bonne).
« Lorsque Google n’était qu’un moteur de recherche, dont la fonction était uniquement de classer toute l’information et de la rendre accessible au monde entier, le problème de sa neutralité ne se posait guère. Mais la firme de Mountain View a évolué et se fait de plus en plus éditeur de services en ligne, concurrents de ceux qu’il indexe dans son moteur de recherche« , écrivions-nous début septembre. Il faudrait donc pouvoir s’assurer que Google n’abuse pas de sa position dominante, en favorisant ses propres services dans ses résultats, ou en sanctionnant des services qui pourraient être concurrents aux siens ou aller contre ses projets pour l’avenir. Ce qui restera sans doute un doux rêve, même si l’enquête ouverte par la Commission Européenne en début d’année montre que la question est prise au sérieux.
Mais lorsque le CSA parle de neutralité des moteurs de recherche, ça n’est pas ces aspects anticoncurrentiels qui semblent l’inquiéter le plus. Emmanuel Gabla a en effet expliqué qu’il souhaitait pénaliser le référencement des contenus produits à l’étranger (comprendre américains), pour favoriser celui des contenus produits en France. Une drôle d’idée de la neutralité, qui semble plus proche du désir d’égalité, voire de la discrimination positive. Donc tout l’inverse de la neutralité.
Le représentant de Google a eu face à cette proposition une réponse aussi juste que cinglante. « Pour favoriser le contenu français, il faut du contenu français de qualité« , a-t-il répliqué. Pas question de donner un bonus à des sites ou à des contenus en fonction de leur origine géographique ou de leur nationalité. Il faut se battre pour intéresser les internautes, pas pour sanctionner ceux qui les intéressent davantage. Si des contenus sont privilégiés dans une région, c’est parce qu’ils y sont les plus demandés.
La sénatrice centriste Catherine Morin-Dessailly, sensible à la question de la régulation des contenus sur Internet, a rappelé pour sa part qu’il y avait eu « l’idée au Sénat d’un CSA du net« , pour réguler l’accès et la visibilité des contenus sur le web. Début 2009, les sénateurs avaient rejeté l’idée que le CSA lui-même contrôle Internet, comme l’avait souhaité Frédéric Lefebvre. Mais le « CSA du net » a bien été créé depuis. Il s’appelle l’Hadopi.
Si nous sommes actuellement focalisés sur sa fonction répressive à travers la riposte graduée, qui ne résistera pas à l’épreuve du temps, le dessein ultime de l’Hadopi est bien de devenir un régulateur des contenus sur Internet, et beaucoup plus largement de toute utilisation illicite du net. Il ne tient qu’au législateur d’étendre ses prérogatives de manière plus explicite.
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