Peut-on légiférer sur la pédophilie sans écouter les associations de lutte contre la pédocriminalité ? L’an dernier, des associations de protection de l’enfance australiennes s’étaient alliées à un collectif d’internautes pour s’opposer au projet de filtrage des contenus pornographiques sur Internet. Ce fut également le cas cette année en Allemagne avec le MOGIS, une association de victimes opposées à un projet de filtrage au niveau européen.
En France, l’Association Nationale de Prévention et d’Information Concernant la Pédophilie, plus connue comme L’Ange Bleu, vient également de publier sur son site internet un plaidoyer contre le filtrage de la pédopornographie sur Internet. Les députés doivent examiner le texte en seconde lecture à partir du 23 novembre, et notamment son article 4 qui prévoit de faire bloquer des contenus sur simple décision administrative. « Nous jugeons cette disposition inefficace, contreproductive et dangereuse à l’égard de l’exercice démocratique« , écrit l’association dans le billet repéré par PC Inpact. « Inefficace en raison de la nature mouvante d’internet et des possibilités de contournements déjà existants (…), contreproductive en cela qu’elle ne pourra que renforcer le traffic de la pédopornographie en le reléguant aux marges du réseau, d’où il pourra prospérer (…) et dangereuse pour l’exercice démocratique en cela qu’elle nous fait prendre un risque non négligeable à l’encontre des contenus légitimes« .
« De part notre expérience auprès du public concerné, nous confirmons qu’aucun filtrage d’Internet ne saura répondre aux objectifs visés« , prévient l’association, qui explique que « les connaissances et outils techniques dont disposent les consommateurs de pédopornographie et leur soucis de confidentialité les conduiront immanquablement à contourner l’obstacle tout en développant leurs échanges à l’abri des regards« .
Contre cet argument, le gouvernement a plusieurs fois défendu que le filtrage n’était pas exercé contre les pédophiles, mais pour protéger les honnêtes internautes qui risqueraient de tomber par hasard sur les contenus pédopornographiques… Ce à quoi L’Ange Bleu répond, très justement, que « le filtrage ciblera les serveurs ou hébergeurs et non les pages incriminées, faisant courir un risque de surblocages et erreurs en grand nombre« .
L’association craint que le filtrage de la pédopornographie ne serve de cheval de Troie législatif, et compare la mesure au fichier des empreintes génétiques (le FNAEG). « Initialement destiné spécifiquement aux grands criminels, il a peu à peu été étendu à des catégories de délits mineurs jusqu’à toucher aujourd’hui les sans-papiers, les faucheurs OGM, voire des manifestants« , rappelle l’Ange Bleu. A l’instar de Reporters Sans Frontières, elle ne veut pas que la pédophilie soit instrumentalisée pour censurer le réseau.
« Avant d’être un « repère de pédophiles » comme on l’entend trop souvent, Internet est avant tout un moyen d’expression utile aux débats démocratiques que nous nous refusons de voir disparaître pour des raisons plus politiques que raisonnées, nous ne souhaitons pas voir s’instaurer en France – et en Europe – un régime tels que ceux que nous connaissons en Chine ou en Iran« .
Plutôt que le filtrage, l’association propose de s’attaquer aux véritables criminels, en poursuivant les individus qui diffusent les contenus, en remettant en cause le secret bancaire pour remonter les filières économiques, en réalisant une prévention en amont, et en soutenant les actions publiques et associatives.
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