Ce vendredi matin sur France Info, Jérôme Colombain dédiait un reportage aux logiciels de sécurisation censés permettre aux abonnés à Internet d’éviter que leur accès soit utilisé pour partager illégalement des œuvres piratées sur les réseaux P2P. « 29 Euros par an et par ordinateur. Voilà le prix qu’il faudra payer pour être en règle avec la Hadopi« , débute le journaliste, en référence au logiciel ISIS de la société H2DS, dont le PDG Christophe Painset est interrogé.
« La Hadopi vous oblige à apporter la preuve que vous avez mis en place tous les moyens possibles de sécurisation pour éviter le téléchargement« , explique M. Painset, qui précise que c’est « sur la base de la bonne foi, mais il faut être capable de la prouver« . « D’où les spécifications qui ont été demandées par la loi Hadopi c’est-à-dire une journalisation de l’ensemble des activités du réseau wifi dans l’ensemble du foyer ou dans une entreprise« , ajoute-t-il.
L’homme d’affaires fait la publicité de son logiciel de filtrage, vendu 2,5 euros par mois, sans nier qu’il faut acheter une licence pour chaque poste à sécuriser. Ce qui est d’ailleurs un contre-sens. Soit le logiciel est efficace et il sécurise l’ensemble de l’accès de l’abonné, soit il faut aussi acheter une licence pour l’ordinateur du voisin susceptible de pirater le réseau WiFi mal protégé… M. Painset termine en affirmant que seule « une petite dizaine d’entreprises » recevront le précieux label de l’Hadopi l’année prochaine. Une information qu’il semble tout droit sortir de son chapeau.
Plus embêtant. Alors que le site internet de H2DS affirme en grosses lettres qu’Isis est le « 1er logiciel répondant aux spécifications fonctionnelles d’Hadopi« , c’est tout simplement impossible. Celles-ci n’ont jamais été arrêtées et pourraient ne pas l’être avant plusieurs mois.
Selon nos informations, la mission confiée au professeur Riguidel pour établir la liste des fonctionnalités pourrait même être prolongée. Seul un premier projet de fonctionnalités a été révélé par Numerama, puis publié par l’Hadopi elle-même, en vue d’une consultation achevée le mois dernier. Le décret qui doit permettre à l’Hadopi d’arrêter la liste des « fonctionnalités pertinentes » et de labelliser les logiciels n’est pas encore paru.
C’est pourquoi, fâchée de voir H2DS induire les consommateurs en erreur et pratiquer une forme de publicité mensongère, l’Hadopi a décidé d’agir. Interpellée, la Haute Autorité nous a confirmé ce soir l’envoi d’un courrier à la société domiciliée dans le Pas-de-Calais, la mettant en demeure de retirer immédiatement toute référence aux spécifications fonctionnelles de l’Hadopi sur son site internet, et plus généralement dans toute communication publique. Des poursuites pourraient être engagées si H2DS faisait de la résistance, ce qui est toutefois peu probable.
Rien ne dit que le logiciel ISIS sera conforme aux spécifications finales qui seront publiées. Le projet de décret soumis à Bruxelles pose d’ailleurs une difficulté de fond à l’Hadopi, qui vient s’ajouter à la complexité technique de la sécurisation. Il oblige la Haute autorité à labelliser tout moyen de sécurisation dont un cabinet d’études indépendant aura confirmé qu’il est conforme à la liste des fonctionnalités publiées. Or que faire si un logiciel va au delà des spécifications pertinentes, en prévoyant par exemple comme ISIS de bloquer les logiciels de P2P, alors que l’Hadopi ne demanderait que de bloquer le partage des seuls fichiers piratés ? L’une des solutions envisagées serait de prévoir non seulement des obligations, mais aussi des interdictions. Car il en va du respect de la liberté d’expression et de communication, et de la liberté d’entreprendre. L’Hadopi aura la responsabilité juridique des conséquences de ses labellisations, ce qui l’invite à la prudence.
Contactée en fin de journée vendredi, H2DS n’a pas répondu à notre appel.
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