Alors que les collectivités locales et les administrations publiques sont de plus en plus nombreuses à mettre leurs données en accès libre, pour permettre leur réutilisation gratuite ou payante par des entreprises ou par des particuliers, le projet de loi Loppsi pourrait mettre un grand frein à cette pratique croissante. Le collectif Regards Citoyens, à l’origine notamment de l’excellent site NosDéputés.fr, s’est en effet ému ce lundi d’un article du projet de loi passé jusqu’ici inaperçu.
Il s’agit de l’article 30ter, qui prévoit qu’il peut être procédé à un contrôle de moralité « pour la délivrance des licences fixant les conditions de la réutilisation des informations publiques telle que prévue » par l’article 16 de la loi du 17 juillet 1978. Celui-ci oblige l’administration à délivrer une licence d’utilisation des données publiques lorsqu’elle donne lieu au paiement d’une redevance. Cette licence doit fixer les conditions d’utilisation, qui « ne peuvent apporter de restrictions à la réutilisation que pour des motifs d’intérêt général et de façon proportionnée« .
Pour ne pas que les licences soient refusées arbitrairement, ou adaptées de manière discriminatoire selon la personnalité du demandeur, la loi oblige l’administration à publier des licences types.
Mais l’article 30ter du projet de loi Loppsi permettrait de soumettre l’octroi de ces licences à une enquête préalable des services de police et de gendarmerie, destinée « à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n’est pas incompatible » avec leur demande. Ces « enquêtes de moralité » sont aujourd’hui prévues à l’encontre des personnes qui souhaitent accéder à certaines fonctions ou missions sensibles, à certains lieux restreints, à certains produits dangereux, ou qui demandent à acquérir la nationalité française ou le renouvellement d’un titre de séjour.
L’article qui étend les enquêtes de moralité aux octrois de licences d’utilisation des données publiques a été introduit à la demande du gouvernement au Sénat. « Il convient de prévenir les risques d’atteinte à la sécurité publique qui pourraient être la conséquence d’une utilisation détournée de ces informations, par exemple l’adresse d’un particulier et l’immatriculation de son véhicule« , avait justifié le ministre Brice Hortefeux. En attendant la seconde lecture à l’Assemblée Nationale, il a déjà reçu le soutien de la Commission des lois, qui a adopté la modification. « Avant de céder à titre onéreux certaines des informations qu’elle détient, comme par exemple les données contenues dans le système d’immatriculation des véhicules, ainsi que le prévoient les dispositions de l’article L. 330-5 du code de la route dans le but notamment de permettre aux constructeurs automobiles d’établir des enquêtes statistiques ou de la prospection commerciale, l’administration doit s’assurer que les données transmises ne seront pas utilisées à des fins contraires au respect de l’ordre public« , peut-on lire dans le rapport remis au mois de septembre.
Mais pour Regards Citoyens, cette disposition serait contraire au droit communautaire qui encadre le libre accès aux informations publiques, et réaliserait une confusion entre les données publiques et les données personnelles. « En rendant discrétionnaire l’usage des documents et données administratives, le gouvernement introduit une véritable atteinte au droit de tout citoyen d’accéder à l’information publique« , critique le collectif. Il rappelle à juste titre que les lois existantes permettent déjà de concilier l’accès aux informations publiques et la protection des données personnelles, à travers les conditions d’utilisation fixées par les licences.
« Cette nouvelle mesure nous apparaît très grave« , conclut Regards Citoyens. « Elle va à l’encontre totale des principes de l’OpenData dont nous faisons la promotion, et s’oppose plus largement à la liberté d’information« .
En principe, l’examen en seconde lecture du projet de loi Loppsi doit débuter ce mardi soir à 21H30.
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