Alors que la France songe à imposer un filtrage des sites pédopornographiques aux fournisseurs d’accès à Internet, par le projet de loi Loppsi, d’autres pays qui ont mis en place un tel système depuis plus longtemps font aujourd’hui marche arrière. C’est le cas de la Thaïlande, qui aurait établi une liste de plus de 32 500 URL à bloquer, mais qui estime que la méthode est en fait ingérable.
Le journal ZDNet Australie cite en effet les propos de Thongchai Sangsiri, un haut fonctionnaire du ministère des Technologies de l’Information et de la Communication, qui a indiqué lors d’une conférence sur la cybersécurité en Asie que le filtrage par blacklists était trop onéreux. « La liste noire grossit avec beaucoup, beaucoup de sites, au point de devenir un fardeau pour les FAI. Le blacklistage ne fonctionne pas« , aurait ainsi déclaré le représentant du ministère thaïlandais.
Le pays ne censure pas seulement les sites à caractère pédopornographiques, mais aussi des sites de médias locaux et étrangers. Cet été, Reporters Sans Frontières rapportait que plusieurs sites de médias alternatifs thaïlandais étaient inaccessibles en Thaïlandes. Ils sont soupçonnés de soutenir les « chemises rouges », les partisans de l’ancien premier ministre Thaksin Shinawatra. « Les points de rassemblement utilisés par des leaders charismatiques de l’opposition, comme la page Facebook de l’ancien dirigeant syndical Somyos Pruksakasemsuk, ont aussi été pris pour cible« , raconte l’organisation.
Mais face aux grandes difficultés techniques et aux coûts colossaux engendrés par le filtrage centralisé au niveau des FAI, l’Etat songe à songer de tactique. « Nous voudrions laisser les parents et les enseignants décider de ce qu’il faut filtrer… parce que le [système actuel] est trop lourd à maintenir« , a expliqué Sangsiri.
L’une des solutions pourrait être, paradoxalement, d’imiter la France. Si nous sommes « en retard » sur le filtrage imposé aux FAI, la loi Hadopi sert en revanche de cheval de Troie idéal pour tenter d’imposer des logiciels de filtrage sur tous les ordinateurs. Il suffira alors d’étendre les spécifications fonctionnelles des logiciels labellisés par l’Hadopi au delà du piratage. Une faculté déjà permise par la loi, et qui n’a fait l’objet d’aucun démenti par la Haute autorité.
A ce sujet, on relira le journaliste américain Dan Gillmor, qui avait annoncé il y a cinq ans cette exploitation du piratage à des fins de censure :
Dans ce scénario, nous pourrions être témoins d’une alliance redoutable entre l’industrie du divertissement – ce que j’appelle ‘le cartel du copyright’, et du gouvernement. Les gouvernements sont très mal à l’aise face à la libre circulation de l’information, et ne la permettent que dans une certaine mesure. Les réformes législatives restrictives et les mesures techniques pour empêcher la violation de droit d’auteur pourraient mener un jour à devoir demander la permission pour publier, ou alors à ce que publier hors des sentiers battus semble trop risqué. Le cartel a ciblé certaines des innovations essentielles pour les actualités de demain, tel que le partage des fichiers qui facilite effectivement la violation de droits d’auteur mais qui offre aussi aux journalistes citoyens l’un des seuls moyens abordables pour distribuer ce qu’ils créent. Le gouvernement insiste sur le droit de tracer tout ce que nous faisons, mais de plus en plus d’hommes politiques et de bureaucrates ferment l’accès à ce que le public doit savoir – l’information qui fait de plus en plus surface à travers les efforts des médias non traditionnels.
Espérons que ce scénario reste paranoïaque.
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