Mise à jour du 8 juin 2016 : comme nous nous y attendions, Alain Juppé a retiré sa plainte contre le jeune Candide, internaute derrière le compte Twitter qui a publié un montage mettant en scène le candidat à la primaire Républicaine. « Le jeune s’est excusé, il n’y aura évidemment pas de suite », a affirmé ce matin Benoist Apparu, soutien d’Alain Juppé, sur France Info.
Pour bien comprendre les tenants et aboutissants de ce que, sourire aux lèvres, les internautes appellent désormais « l’affaire Candide », il faut remonter au faux tweet créé par l’internaute en question, et qui a valu la réaction d’Alain Juppé. « Un très bon Ramadan à tous mes frères et sœurs en islam. Que la paix d’Allah soit sur vous », disait le tweet dont seule une capture d’écran supposée était diffusée, qui faisait croire qu’Alain Juppé, le vrai, était bien l’auteur du message.
Mais l’objet du crime n’a jamais été tweeté par le compte @AlainJuppe. La capture mensongère est l’œuvre d’un certain Candide (@_c_d_a), comme se fait nommer le jeune homme sur Twitter.
Les montages de ce type sont courants sur Twitter et ne sont pas le seul fait de cet internaute même si, il l’avoue lui même, il y a souvent recours à des fins ironiques et satiriques qui parfois sont proches de la fulgurance.
Le problème de ce montage n’est pas tant qu’il concerne Alain Juppé. Candide a déjà fait d’autres montages humoristiques concernant l’homme politique sans que ces derniers ne gagnent assez de viralité pour être pris au sérieux massivement. Le vrai problème de ce tweet aujourd’hui effacé, c’est qu’il a hélas été pris au sérieux car son caractère satirique n’apparaissait pas clairement, ni sur la forme, ni dans le fond. Mais l’intention satirique était sans nul là,
La difficulté de cette affaire, c’est que le tweet pris au sérieux par de nombreux internautes porte sur la relation qu’entretient un homme politique français avec l’islam. La polémique n’aurait pas été la même si le canular avait porté sur un sujet qui porte davantage au rire ou à la moquerie, dans une France où la religion musulmane est encore trop souvent regardée avec méfiance, voire avec défiance. Le démenti ferme et la menace de plainte diffusée par Alain Juppé sont en soit une réaction qui doit interroger, sur la nécessité qu’aurait en France un candidat à l’élection présidentielle de bien faire savoir qu’il n’est en rien Musulman :
Annoncer qu’il porte plainte, c’est indirectement une manière de faire comprendre qu’il juge le tweet infamant, parce qu’il fait de lui un membre de la communauté islamique.
Une usurpation d’identité infamante ?
S’il le souhaitait, Alain Juppé pourrait trouver dans l’article 226-4-1 du code pénal, issu de la loi Loppsi de 2011, les moyens de porter plainte. Cet article punit en effet d’un an de prison « le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération ».
Mais la difficulté juridique, et peut-être plus politique encore, serait toutefois de démontrer que le fait d’affirmer une appartenance à l’islam serait de nature à « troubler la tranquillité » d’Alain Juppé, ou carrément de « porter atteinte à son honneur ou à sa considération ». Pour la tranquillité on ne sait pas (le terme est on ne peut plus flou et le Conseil constitutionnel n’avait pas été saisi), mais il n’y a certainement rien d’infamant dans une république laïque, à être associé à une religion plutôt qu’une autre, ou même à n’avoir aucune religion. L’information est fausse, mais elle n’est pas (ne devrait pas être) de nature à dénigrer. Il semble toutefois qu’Alain Juppé ait lui-même jugé utile de rétablir la vérité de sa foi, en précisant que « je vous confirme que je suis toujours catholique, même si je ne suis pas très pratiquant ».
En tout état de cause, l’affaire peut amener à une réflexion sur ce type de montages sur Twitter, qui sont très souvent pris au premier degré par une partie des internautes, qui n’envisagent même pas l’hypothèse d’un canular, et relaient parfois l’image sans la sourcer. En l’espèce, rien ne permettait aux internautes qui découvraient l’image de savoir qu’elle n’émanait pas réellement d’Alain Juppé lui-même, d’autant que le logo « compte certifié » de Twitter apparaît à côté du nom de la personnalité publique. Twitter lui-même autorise les comptes parodiques, mais à la condition qu’ils apparaissent bien comme tels, ce qui n’est pas le cas du montage pris isolément.
Un tweet en forme de piège pour les islamophobes
Bien avant que le tweet avec Alain Juppé ne provoque les conséquences que l’on connaît désormais, nous avions décidé d’interroger le jeune homme qui n’est pas tout à fait un novice de la politique sur l’objectif, ou au moins l’ambition de ses hoax. Car loin d’être idiot et de générer à la chaîne des hoax, le premier objectif du garçon était d’abord de faire rire par la satire sa communauté. Ainsi le 1er Juin, nous l’interrogions justement sur le sujet :
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