C’était cousu de fil blanc. Quelques semaines après la décision de Facebook d’exploiter les données de ses membres pour nourrir son intelligence artificielle générative, une contre-attaque s’organise. L’association NOYB (None Of Your Business) a lancé une série de plaintes à travers l’Europe pour tenter de contrer le réseau social américain.
Précisément, NOYB a adressé ses griefs à 11 autorités de protection des données et de la vie privée — sont concernés les organismes d’Allemagne, d’Autriche, de Belgique, d’Espagne, de Grèce, d’Irlande, d’Italie, de Norvège, des Pays-Bas, de Pologne et de France. Pour cette dernière, c’est la Cnil qui a été saisie.
Une action large, mais sans doute à la hauteur de l’enjeu. En effet, elle est lancée parce que Facebook désire entraîner son IA générative avec les informations de sa communauté. Pour ne pas avoir besoin de recueillir au préalable le consentement des internautes, le réseau social américain mobilise un levier particulier de la loi : l’intérêt légitime.
Dans l’IA générative, l’une des clés est la donnée sur laquelle il est possible d’entraîner des algorithmes. Or, la course qui se joue entre tous les géants du secteur (Google, Facebook, OpenAI, Microsoft, Amazon) pousse les uns et les autres à aspirer un maximum de contenus, parfois sans trop se soucier des problématiques de droits.
C’est pour cette raison que Facebook se dit que sa base d’utilisateurs est un formidable silo à données, qui n’attendent qu’à être moulinées. Ainsi, le site communautaire s’intéresse en particulier aux publications, photos, légendes, commentaires, métadonnées et certaines discussions. Il faut noter que les conversations par Messenger sont exclues de ce plan.
Facebook revendiquait en décembre 2022 plus de 3 milliards d’internautes mensuels actifs. Dans l’Union européenne, ce nombre a été annoncé à 255 millions d’utilisateurs actifs mensuels par Meta, la maison mère. Un nombre si grand qu’il a fait entrer le réseau social dans une catégorie particulière de l’UE, soumise à une régulation plus forte.
Le prétexte fumeux de l’intérêt légitime, selon NOYB
L’association autrichienne NOYB s’oppose toutefois à la lecture juridique de Facebook sur cet intérêt légitime. « Au lieu de demander le consentement des utilisateurs, Meta fait valoir un intérêt légitime qui l’emporte sur le droit fondamental à la protection des données et à la vie privée des utilisateurs européens », dénonce-t-elle.
Au contraire, le site communautaire devrait obtenir l’approbation de chaque internaute avant d’envoyer ses informations dans son système d’IA. Il est certes possible de s’y opposer dès à présent, via un formulaire dédié, mais le mécanisme consistant à se retirer du traitement sera inévitablement raté par certains internautes.
Cela fait nécessairement les affaires de l’entreprise américaine. Par ce biais-là, on lui opposera moins de refus, contrairement à la voie qui l’obligerait à recueillir le feu vert de tout le monde. Une manœuvre qui ne plait pas à NOYB. L’association, considérée depuis des années comme le poil à gratter des géants de la tech, devait donc réagir.
L’association soulève plusieurs arguments, dont celui de l’urgence : en effet, le plan de Facebook au niveau européen doit s’exécuter à partir du 26 juin 2024. Les autorités, dont la Commission nationale de l’informatique et des libertés, sont donc invitées à lancer sans tarder une procédure pour freiner les ardeurs de la plateforme américaine.
« Reporter la responsabilité sur l’utilisateur est complètement absurde. La loi exige que Meta obtienne le consentement de l’utilisateur, et non qu’il fournisse un formulaire d’exclusion caché et trompeur. Si Meta veut utiliser vos données, elle doit vous demander votre autorisation », résume Max Schrems, le fondateur de NOYB.
Et l’intéressé d’ajouter que la Cour de justice de l’Union européenne « a déjà clairement indiqué que Meta n’avait pas d’intérêt légitime à outrepasser le droit des utilisateurs à la protection des données lorsqu’il s’agit de publicité. » Si cette fois il s’agit d’IA, NOYB y voit le même stratagème : la tentative de passer outre les décisions de la justice de l’UE.
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