Quelle sera la portée exacte de l’article 4 du projet de loi Loppsi ? Considérée comme un cheval de Troie législatif, cette disposition pourrait sortir de son propre cadre et permettre à l’autorité administrative de s’attaquer à d’autres contenus que ceux liés à la pédo-pornographie. Comme Wikileaks ?

Rares sont les projets de loi à avoir connu une gestation aussi difficile. Prévu initialement fin novembre, l’examen du projet de loi Loppsi reprendra finalement mardi prochain. L’Assemblée nationale continuera alors ses travaux sur un texte particulièrement controversé, à cause notamment de son article 4 sur le filtrage des contenus pédo-pornographiques.

Celui-ci autorise en effet le pouvoir exécutif à produire une liste de sites web indésirables à bloquer au niveau des fournisseurs d’accès à Internet. Cette disposition fait d’autant plus polémique qu’elle permettrait à l’autorité administrative de choisir les pages et les contenus à filtrer sans contrôle judiciaire. Un point qu’a défendu Brice Hortefeux, en expliquant qu’on ne demande pas au juge son autorisation d’envoyer les pompiers lorsque la maison brûle.

Or, l’article 4 pourrait être un véritable cheval de Troie législatif. Certaines organisations, comme la Quadrature du Net, craignent de voir la lutte contre la pédo-criminalité être finalement instrumentalisée pour servir d’autres intérêts politiques. L’autorité administrative pourra étendre progressivement le filtrage à d’autres types de contenus qui ne suscitent pas la même émotion au sein de la population.

Ce glissement s’était déjà vu avec fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). D’abord destiné aux criminels sexuels, le fichier a régulièrement accueilli de nouvelles empreintes génétiques au point de contenu aujourd’hui les empreintes de plus de 1,5 million de Français. Un précédent que la Quadrature du Net ne veut absolument pas voir se répéter

L’initiative citoyenne, tout en reconnaissant que la lutte contre la pédo-pornographie est un objectif louable, prévient que « de telles mesures se révèlent non seulement inefficaces, mais aussi contre-productives. La protection de l’enfance est en fait instrumentalisée au profit d’une mise sous contrôle d’Internet« . La Quadrature du Net rappelle à ce sujet les tentatives d’Éric Besson de trouver un moyen d’interdire l’hébergement de Wikileaks en France.

« Cette manœuvre choquante est une nouvelle démonstration de la volonté du gouvernement de contourner l’autorité judiciaire pour faire la police sur Internet au mépris des droits fondamentaux » écrit la Quadrature dans son communiqué. « Le prétexte de la protection de l’enfance n’est qu’un moyen pour le pouvoir politique de mettre en place une infrastructure de filtrage de l’information circulant sur le réseau« .

D’ailleurs, les associations en charge de la protection de l’enfance ne s’y trompent pas. En France et dans le monde, plusieurs d’entre elles ont estimé que le blocage des contenus pédo-pornographiques était une mauvaise réponse à un vrai problème. En France, l’association L’Ange Bleu défend plutôt une action en amont, en visant le retrait des contenus au niveau des serveurs.

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